chez jeannette - sage-femme

LES SAGES-FEMMES, CES MECONNUES... le Figaro 1974

Le Figaro 11 septembre 1974

Les sages-femmes, ces méconnues 

"Nous sommes beaucoup plus que des auxiliaires médicales"  Leurs Assises nationales s'ouvrent jeudi 

CONVERSATION banale entre femmes : 

« Qui t'a accouchée ? Où? 
- Le docteur Untel, clinique X .. , 
- Tu me le conseilles pour moi? 
- Oui. Il Il, été parfait." 
Neuf fois sur dix, il ne viendra pas à l'esprit de celle « qui est passée par là > de préciser: « Jusqu'à l'arrivée de l'accoucheur, à la fin, j'ai été suivie pendant des heures par une sage-femme formidable ! " 

Les sages·femrnes (elles vont tenir, de jeudi à dimanche prochain, leurs cinquièmes Assises nationales à la faculté de médecine de Paris) sont les méconnues. les  oubliées  du moins pour les mères qui accouchent en clinique prIvées ou en service privé des hôpitaux en s'étant assurées leur accoucheur personnel 

Françoise Giroud, secrétaire cl'Etat à la Condition féminine, le docteur Charbonneau, directeur général de la Santé et plusieurs autres représentants de Mme Veil, ministre de la Santé, qui assisteront à l'ouverture des Assises, comprendront-ils enfin à quel point. depuis des années. les sages-femmes sont désenchantées? ElIes sont amères de voir trop souvent, dans les faits, leur rôle ravalé à celui d'auxiliaires médicales, alors, qu'officielIement leur statut est celui de "profession médicale à compétence limitée ". exactement comme celui des dentistes. C'est·à-dire : la sage-femme est en droit d'assumer, en pleine responsabilité. la surveillance des grossesses normales jusqu'à leur terme; d'assurer la préparation à l'accouchement psycho-prophylactique (dit « accouchement sans douleur) ; de pratiquer les accouchements normaux ; de surveiller les suites de couches ; de participer aux consultations post-natales; aux consultations de nourrissons pendant les 18 premiers mois de la vie. 

" Compétence limitée ", cela veut dire : obligation pour la sage·femme d'aiguiller la consultante vers un médecin s'il apparaît un élément pathologique au cours de la grossesse; d'appeler un spécialiste si la moindre complication s'annonce au cours d'un accouchement. 

Evincées, frustrées 

Que se passe-t-il, en réalité ? 

II est bien rare, sauf dans certains hôpitaux, qu'une partie des consultations soit confiée à des sages-femmes. Les femmes enceintes elles-mêmes ne savent pas qu'une sage-femme est, en fait, mieux préparée qu'un médecin généraliste à dépister les anomalies de la grossesse et en ce cas à aiguiller la patiente de toute urgence vers un spécialiste. vers un service hospitalier de " grossesses à hauts risques ". 

Et l'accouchement lui-même? 

Dans beaucoup de cliniques privées, les sages-femmes ne sont pas satisfaites de leur sort. Plusieurs m'ont dit, presque dans les mêmes termes : 
« On nous demande de surveiller les femmes, et même si tout se passe bien, nous sommes obligées de prévenir l'accoucheur, au dernier moment, pour qu'il vienne dégager la tête. Les femmes croient que c'est cela le geste extraordinaire, prestigieux, Elles sont reconnaissantes au « grand docteur " sans même se rendre compte que le plus important,le plus ingrat, c'est nous qui l'avons assume pendant des heures, la surveillance de chaque instant pour nous assurer qu'aucun incident n'est à craindre. Nous nous trouvons évincées tout à la fin, frustrées de ce qui est le plus beau pour une femme qui a choisi ce métier: mettre vraiment l'enfant au monde.

Il y a tout de même des sages-femmes heureuses dans certaines cliniques. Par exemple, à la Clinique cles Métallurgistes. rue des Bluets à Paris, 

"Ici, nous travaillons avec les médecins dans un esprit d'équipe formidable, disent-elles. Non seulement les obstétriciens nous font confiance mais ils savent communiquer aux femmes une confiance totale en nous.  Ils n'interviennent eux-mêmes que lorsque c'est nécessaire, en cas de grossesse ou d'accouchements anormaux".

En général dans les grands hôpitaux, surtout les hôpitaux universitaires (ceux de l'assistance publique à Paris en particulier)   les sages-femmes gardent plus largement leur rôle. C'est même elles qui assurent en fait la formation pratique  des étudiants en médecins quise destinent à l'obstétrique.

Imiter la Suède
Même cela n'est pas assez . 
Le professeur Minkowski, pionnier en France de la lutte pour la diminution de la mortalité périnatale et des accidents .. à la naissance, viendra le dire, jeudi, aux: Assises nationales des sages-femmes : il faudrait prendre modèle sur la Suède, qui a le taux le meilleur du monde en matière de sécurité des accouchements. 

Comment la Suède y est-elle parvenue? 
En assurant une surveillance draconienne des femmes enceintes : quatorze visites prénatales obligatoires au lieu de quatre en France. Or, onze sur quatorze de ces consultations sont assurées par les sages-femmes ; sauf, bien entendu, pour les futures mères chez lesquelles la sage-femme aura dépisté un risque, une anomalie. 

Les médecins spécialistes, . en ce cas, prennent le relais,  assurant pleinement leur rôle propre: la lutte contre la pathologie de la grossesse et de l'accouchement. 

Prendre modèle sur la Suède, serait d'autant plus urgent chez nous que le nombre des médecins spécialistes véritablement qualifiés c'est-à-dire à la fois gvnécologues, obstétriciens et chirurgien est d'une insuffisance criante. 

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A la même époque paraissait un autre article intitulé

LES SAGES-FEMMES DEMANDENT DAVANTAGE DE CONSIDERATION

« Nous ne sommes pas des infirmières mais de véritables spécialistes de la mateinité... »

DEUX ministres, Mme Simone . Veil, ministre de la Santé publique, et Mme Françoise Giroud, secrétaire d'Etat à la Condition féminine, avaient tenu à être présentes à l'ouverture des V° Assises nationales des sages-femmes qui se tiennent actuellemen, à la Faculté de médecine de Paris. C'est dire l'importance que le gouvernement attache aux problèmes. de la maternité et plus particulièrement à la profession trop méconnue de sage-femme.

En effet, comme l'a fait remarquer dans un exposé préliminaire le professeur Minkowski, les femmes ont lutté pour la liberté de la contraception. Certaines d'entre-elles  se battent . encore pour la liberté de l'avortement, mais paradoxalement, elles ne réclament pas la sécurité de la naissance. « Il faudrait, a-t-il déclaré, cesser de pratiquer en France la politique de sécurisation par les bâtiments et l'équipement; il en faut, mais ce n'est pas à· coup de pierres que l'on changera les choses. » La sage-femme a un rôle déterminant à jouer dans la surveillance de la femme enceinte et du nouveauné.

Il y a 9195 professionnelles en 1973, plus de 2.500 sages-femmes dans les hôpitaux publics, a indiqué Mme Veil dans son allocution, près de 500 diplômes. délivrés chaque année.  Chiffres qui traduisent la vitalité d'une profession fort ancienne et sa capacité d'adaptation à révolution des idées, des techniques et des moyens •..

le ministre n'ignore pas que malgré les progrès accomplis en matière de formation et !'ouverture en octobre, à Dijon, d'une école de cadres, les myens actuels sont encore insuffisants.
« Ces actions seront poursuivies ", a-t-elle assuré. Enfin, Mme Veil a souligné que les transformations rapides qui ont bouleversé cette activité professionnelle « ne remettent pas en cause' l'intérêt de l'intervention des spécialistes que sont les sages-femmes auxquelles déjà de nouveaux champs d'action sont ouverts avec la création des centres de planification et d'éducation familiale, l'application de la politique de périnatalité et de prévention."

En effet, comme l'a justement dit le professeur Minkowski, nous sommes en France« obnubilés par la hiérarchie du diplôme".

C'est ainsi que le carnet maternité doit être signé par un docteur en médecine, alors que le praticien généraliste n'est pas le plus compétent pour examiner une femme enceinte. Il n'y a que 1.100 obstétriciens-gynécologues en France, .

Il ne faut doncp'as sous-estimer le rôle des sages-femmes qui ne sont pas des . auxiliaires médicales. Elles ont une professIon médicale à compétence limitée ", ce qui implique qu'elles sont responsables dans leur domaine .. compétentes pour tout ce qui est normal", charge à elles de recourir au spécialiste dès qu'elles détectent à un stade quelconque des anomalies. Si elles doivent de plus en plus aujourd'huI s'intégrer à des équipes obstétricales elles en restent « le pilier » puisque c'est à elles qu'incombent la responsabilité de la préparation et de la surveillance. Fait capital si l'on sait qu'aux alentours de quinze visites bien faites, la mortalité périnatale et le nombre de handicapés sont cinq fois moins important
Béatrice Taupin.

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Ces articles datent de 1974. je commençais alors mes études de sage-femme. En 2001, je quittai la profession de sage-femme en le trouvant toujours d'actualité. Je crains qu'en 2009, on n'ai pas beaucoup avancé ? et en 2013, je vois que peu de choses on changé sur le fond. 

la question à se poser : est-ce que en 40 ans, l'accompagnement global  (physique et psychologique, personnel, familial, sociétal )  des conditions de naissance  - dans une attitude de prévention -  a changé ? !!!





17/07/2009
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