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PLAIDOYER POUR AUTRE NAISSANCE, Doris Nadel, sage-femme


Plaidoyer pour une autre naissance

Doris Nadel, sage-femme libérale, Montpellier  (France)



     « Accouchement ou Naissance? ... Être ou ne pas être? .. Au Siècle des lumières, de l'action et du « Savoir Tout» tout de suite, comment la grossesse peut-elle encore durer dix mois lunaires et l'accouchement survivre aux règles modemes de précipitation? »

     La Naissance néanmoins, n'a rien perdu de son sens universel; événement intime mais aussi « mutuel» puisqu'il est « Mise au Monde»

     La Vie est « Naissances perpétuelles» ; chacun expérimente ces différents passages qui vont du fœtus au nouveau-né, du nouveau-né à l'enfant, de l'enfant à l'adolescent, de l'adolescent à l'adulte.

     Ma pratique de sage-femme et de la psychothérapie, m'a permis de constater l'importance de l'empreinte sensorielle, psychologique et affective de la naissance - ce premier passage - sur l'être en devenir et ses différents passages dans la vie.

     Les germes de l'instabilité et de l'angoisse, l'insécurité et le manque de confiance en soi, ont souvent leur origine dans la manière dont s'est déroulé l'accompagne- ment de la naissance et l'accueil du nouvel-être au monde.

     Séparer un enfant à peine né, de sa mère, c'est lui refuser la chaleur, l'émotion, la tendresse et l'amour dont il a besoin après les périples de l'enfantement; c'est aussi couper l'homme futur de ses racines et oublier de préserver la Création du Lien, fondement de toute relation humaine et de l'autonomie.

     L'autonomie, la responsabilité de conduire sa vie selon un but déterminé, la volonté de s'intégrer à un Tout plus vaste et de participer à l'évolution humaine et spirituelle, sont sans doute les bases du « Devenir Adulte ».

     Mais le sujet n'est pas qu'est-ce qu'un adulte? Il s'agit plutôt d'un « Plaidoyer pour une autre naissance» !

     Pourquoi une autre naissance? Y-a-t'il différentes façons de naître? Qu'est-ce qui dans la manière d'accoucher ou de voir accoucher est de l'ordre de l'instinct, qu'est-ce qui représente un acquis, une culture? Pourquoi un peuple qui perd le sens de la Naissance, perd-il le sens de son humanité?

1 - LA NAISSANCE PHÉNOMÈNE DE SOCIÉTÉ

     L'environnement de la naissance, l'accueil du nouveauné, traduisent les usages d'une société.
« Ainsi l'accouchement peut avoir de multiples visages: à New-York, cinq à six machines et écrans de télévision assistent l'accouchée qui se trouve ainsi plongée dans une aventure digne de son époque et sécurisante pour l'équipe obstétricale, tandis qu'à N'Djaména, sur la terre rouge et poussiéreuse de la case à ciel ouvert, les femmes de la tribu assistent, encouragent et éventent celle qui va donner le jour ».

     L'accouchement est un passage - parfois difficile - pour la mère et l'enfant, et ce moment a des résonances dans les domaines de la médecine, de la religion, de la démographie, et d'une façon générale, il est révélateur des croyances et mentalités.

     La médicalisation systématique de la naissance, traduit bien un changement de société - où l'efficacité et la sécurité des personnes l'ont emporté sur la chaleur et les solidarités humaines.

     Au travers de cette évolution, où le rite familial disparaît derrière une gestuelle d'ordre technique à visage impersonnel, on perçoit des rejets de plusieurs natures:
          - refus de la douleur, refus d'attitudes magico-religieuses, refus du risquede mort.

      Autrefois, l'attente d'un enfant, comme le temps de travail de la femme qui enfante, sont profondément dépendants d'un rythme qui tient à l'espèce. La perception de ce temps est un témoignage d'insertion dans les cycles naturels, un signe de patience ou d'impatience.

     Devant la durée des choses, l'individu s'adapte ou se rebelle, et l'accouchement est un bon révélateur d'attitudes.

FAUT-IL LAISSER FAIRE OU INTERVENIR?

     Ces deux manières d'appréhender la vie se traduisent chez les accoucheurs par une conception très différente de leur rôle.

      « Elles attendent que la nature fasse» - Voici ce que répétaient à propos des sages-femmes, les médecins d'autrefois. Accusation d'ignorance la plupart du temps, reconnaissance de sagesse parfois.

     Le choix de l'attente et de la confiance est lié au sentiment que l'ordre naturel est bon, et à une recherche de correspondance étroite entre l'homme et l'univers: patience et humilité devant la Création que traduisent le « laisser faire» ; attitude qui appartiendrait au Féminin.

     La volonté de hâter les choses et de régler les situations difficiles est le comportement dynamique de celui qui « sait» et se méfie des éléments; une démarche de confiance de l'homme en lui-même, une aptitude à utiliser le progrès scientifique et technique comme salutaire.

     Le plaisir d'entreprendre, d'agir, de faire vite, de maîtriser les éléments par conviction intellectuelle ou par besoin d'être ressenti comme « indispensable », proviendrait davantage du Masculin.

     L'alternative n'a pas d'âge: la tendance dominante aujourd'hui étant celle de la technicité de l'accouchement et de sa standardisation. L'acte obstétrical est efficace, rigoureux, mais rapide et rarement chaleureux.

     Il est temps aujourd'hui de retrouver notre" bon sens ", de chercher à rendre nos interventions moins systématiques ; nous poser la question d'une naissance plus spontanée, plus naturelle, plus humaine.

     Car si la médicalisation de l'accouchement a permis de diminuer considérablement la mortalité périnatale et infantile, elle n'en commet pas moins pourtant, des excès qui dénaturent la naissance en lui retirant son aspect affectif, humain et " sacré" (Inviolable - Petit Robert).

     Utiliser tous les moyens dont la science dispose de technicité hypersophistiquée ou de médications à bon escient, traduit l'intelligence clinique des praticiens; mais si nous devenons esclaves de la technique que devient notre " savoir être" et " savoir faire" humain?

     Aucune thérapeutique, et ce, dans quelque domaine que ce soit, ne peut faire l'économie d'un accompagnement humain de qualité.

     Aujourd'hui, dans nos sociétés, la Naissance et la Mort, phénomènes naturels et humains ont lieu dans des institutions spécialisées. La responsabilité individuelle, l'implication personnelle, sont déplacées vers la responsabilité collective et sociale. Le " Progrès scientifique", la " Sécurité " - leitmotiv de nos sociétés industrialisées justifient toute sorte d'exactions!

     Ainsi dans le domaine de la naissance, l'uniformisation de la position allongée des parturientes, facilite surtout le suivi du travail sous monitoring et l'aisance d'interventions des accoucheurs; elle ne respecte en rien une loi de la physique élémentaire qui veut qu'un " poids" (en l'occurrence le bébé ... ) " chute" mieux en position verticale!

     La direction systématique du travail, les déclenchements de" confort ", l'induction tacite de la péridurale - faute d'un accompagnement global adapté - font état d'un irrespect total de la physiologie.

     La Physiologie n'est-elle pas l'étude de la nature? Claude Bernard dit: " La physiologie est la science qui étudie les phénomènes des êtres vivants et détermine les conditions matérielles de leur manifestation ». Voilà sans doute où le " bât blesse" dans nos formations actuelles de médecins et de sages-femmes! On y apprend davantage le " risque" et la " pathologie" que le fonctionnement et les conditions nécessaires à la santé.

     Pourtant la grossesse et l'accouchement ne sont pas des maladies!

     La naissance est un " acte de vie et de santé, dans un corps sexué féminin, un couple, une famille, une communauté, un état ". (Pauline Bessonart)

     En nous éloignant de la physiologie et des réalités psychologiques de la naissance, nous manquons au respect du premier principe d'Hippocrate: " primum non nocere " (en premier ne pas nuire).

     Qui plus est nous induisons plus qu'il n'en faudrait, les césariennes et autres extractions instrumentales, qui du point de vue psychologique, ne sont pas sans séquelles pour la mère et l'enfant.

     L'enfantement est" rupture ", phénomène immuable, donnée de l'espèce: la mère doit perdre, couper; l'enfant se sépare et devient un.

     Aucune civilisation, aucune technique ne peut faire l'économie de ce passage que chaque mère vit avec plus ou moins d'intensité, en relation étroite avec son histoire personnelle et familiale.

     L'empreinte de sa propre naissance, lui fait espérer, craindre ou redouter de perdre ce qui l'habite; l'inquiétude naît de souffrir pour s'en séparer; la peur est sous-jacente à toute rupture.

     L'accouchement est souvent vécu au travers de modèles familiaux et culturels. Autrefois, les femmes isolaient les espaces de naissances, et l'enfantement célébré à huis clos servait la transmission des pratiques anciennes et rituelles.

     La femme en travail retrouve spontanément, si l'environnement le lui permet, sa nature profonde; sa façon d'être, son tempérament influence sa physiologie, le rythme et la périodicité de ses contractions.

     La position qu'elle adopte pour accoucher, instinctive ou contrainte, traduit la conscience ou la méconnaissance qu'elle a de son corps. Les femmes de toutes cultures ont pratiqué la ou les positions qui soulagent. C'est à partir du 17 S. que les accoucheurs jugent les positions courbées ou accroupies comme indécentes, " barbares ", assimilant le geste juste pour le corps de la femme, à un état de" quasi bestialité ". Qu'invoquons-nous aujourd'hui, pour restreindre la liberté des positions dans la plupart des lieux de naissance?

     Le cadre sécurisant du milieu hospitalier, devrait nous permettre pourtant davantage de liberté, ayant à notre disposition personnel et matériel compétent et performant si besoin est...

     Trop souvent, le sentiment de ce qui doit se faire, de ce qui est décent de ce qui s'est toujours fait dans le passé, est très lourd et induit des attitudes très façonnées.

     Dans certains pays, pourtant, la naissance reste dans les familles un moment hautement ritualisé; le recours traditionnel aux médecines naturelles, le respect du placenta et les rites autour de ce tissu fécond, restent vivants chez tous les peuples de civilisation peu industrialisée. Dans la vie de ces mères, immigrées dans nos pays industrialisés, s'impose un jour la confrontation des usages anciens, empiriques, et de la pratique acquise par l'expérimentation systématique et novatrice.

     Ce " conflit" est celui du comportement acquis de la femme, reproduisant gestes et habitudes propres à l'enfantement, depuis que naissent des enfants, et de l'intervention  médicale, qui apparaît en France et en Europe à la fin du XVIIe siècle.

     L'une de ces démarches est de l'ordre de l'affectivité, du sentiment, de transmission orale et massive; l'autre est de l'ordre de l'intellect, diffusée par les écoles et les livres. Le corps humain est perçu dans sa richesse propre, délié des valeurs psychologiques et spirituelles.

     Dépersonnalisation, soumission à l'environnement médical et aux praticiens, dépossession des compétences maternelle et parentale, en sont le résultat. L'idéologie du " risque" nous conduit à une" peur» médiatisée, transformant la naissance, célébration de Vie, en maladie!

     Cette peur viscérale de la maladie et de la mort, entraînent une cristallisation des habitudes et attitudes garantissant le maximum de sécurité.

Mais de quelle sécurité s'agit-il?

     Dans le domaine de l'Obstétrique, les techniques de surveillance (thérapeutiques et opératoires), paraissent capables d'assurer la sécurité physique des personnes; mais leur bien-être psychologique n'est-il pas aussi indispensable?

     A l'éclairage de la psycho-somatique, nous savons qu'un mal-être psychologique crée des perturbations dans le domaine fonctionnel. Entendre et respecter les besoins d'une personne sont donc nécessaires au bon déroulement de sa physiologie.

     Garantir la sécurité physique des personnes sans prendre en compte leur dimension psychologique et affective, c'est assurer la " survie" d'un être en niant son " essence" psychique, qui précisément différencie l'être humain du robot.

     Notre " sens humain » est trop souvent, de nos jours, sacrifié sur l'autel du progrès scientifique!

     Mais de quel progrès pourrions-nous réellement nous enrichir, si ce n'est en matière d'humanité; intégrer le sens du service, de l'entr'aide et de la solidarité?


- qui es-tu toi demande le bébé  ?
- Doris ta sage-femme !

Il - LE SENS DE LA NAISSANCE ET DE NOTRE PROFESSION

     La Naissance nous offre l'opportunité de changer le visage de notre humanité et d'explorer en tant qu'accompagnant, tout notre potentiel et " savoir faire" humain.

     Notre siècle nous a ouvert le monde de la psychologie, au sens de connaissance de l'âme humaine, d'étude scientifique des phénomènes de l'esprit, de la pensée, du comportement, caractéristiques des êtres vivants chez qui existe une connaissance propre de leur existence.

     Comment peut-on prétendre au progrès en faisant l'économie de cette connaissance? (co-naissance naître avec).

     Comment comprendre et appréhender le " mal être» de notre humanité actuelle sans comprendre l'origine de notre propre mal être et celui qui nous entourent et dont nous avons la responsabilité d'accompagner?

     La Naissance est la " venue au monde" d'un nouvel être humain qui demain bâtira notre Futur. Or quel accueil lui faisons nous ? S'agit-il d'accueillir un "individu ", une personne à part entière, en favorisant avec respect la naissance d'une humanité pleine, ou de garantir l'arrivée d'un" produit humain» conforme et sans risque?

     La naissance d'un enfant, nous ramène toujours à nos origines, au mouvement perpétuel de la vie, au Passage; un nouvel être arrive, tous sens en éveil, s'ouvrant au sens de la vie. (Naît-sens).

     Il y a à subvertir beaucoup d'idées préconçues pour arriver à découvrir en chaque enfant qui naît, une personne, l'humanité pleine et déjà profonde dès les premiers regards, un poème à cœur ouvert.

     Nous sommes tous des bébés prolongés et nous avons presque tous perdu la mémoire; alors partir à la rencontre du bébé, n'est-ce pas simplement redescendre en nous-mêmes?

     Autrefois, le nouveau-né était accueilli dans son contexte familial, aidé d'une matrone, à domicile. Il voyait le jour dans " son monde », entouré de ceux qui l'avaient conçu, dans ce qui allait devenir son" univers », lieu de sa formation d'être humain.

     Le lien entre l'étreinte qui a conçu l'enfant, le père qui l'a engendré et sa venue au monde était ainsi réalisé.

     Banaliser" l'acte de naître », banaliser la création du lien mère-enfant-père conduit à banaliser l'accueil de la Vie et à la naissance d'une société où les valeurs essentielles que sont le respect, la tolérance, le sens de l'accueil et l'amour deviennent de plus en plus inexistantes.

     Cette banalisation conduit à séparer brutalement l'enfant de sa mère par la section immédiate du cordon ombilical, par " l'enlèvement » hâtif du petit du corps de sa mère, sa terre d'accueil et de sécurité. Encore une fois, il y a rarement urgence clinique, mais trop souvent hélas gestuelle systématique, dénuée de sensibilité, pour préserver le " label » sans risque!

     Quelles sont les agressions que subit l'enfant, quelle est la puissance de cette rupture, comment rejaillit-elle sur sa " sécurité de base » et de son avenir, de quelles peurs durables sera-t-il victime faute de n'avoir su permettre une séparation douce et réparatrice?

     Cette première empreinte que reçoit l'être qui vient au monde, ne mérite t-elle pas de s'inscrire dans un climat d'amour, de joie et de convivialité? Il nous appartient de ne pas laisser la violence imprégner notre humanité naissante!

     Chaque individu est pétri de son histoire et de celle de l'humanité; il accumule dès sa naissance, au travers de son corps, de ses émotions et de ses sensations, une multitude d'informations, qu'il intégre et le conduisent peu à peu.

     Osons simplement regarder en nous mêmes ; un pas accompli avec l'expérience en vaut mille effectués par le savoir ...

     Ainsi l'être" arraché" à sa terre maternelle, sans égard de gestes et de parole, est-il en profonde insécurité, déraciné, en quête perpétuelle de protection et d'assistance.

     Nos profondes difficultés à" grandir", à devenir adulte, ne sont-elles pas en partie liées à ce déracinement ? Pourquoi nous sentons nous si vulnérables quand il s'agit de choisir - donc de renoncer -, de quitter, de se séparer de l'autre, d'un métier, d'un mode de vie ? Serions-nous si attachés, enchaînés à notre passé, à nos souffrances, si résistants au changement, si nous avions pu vivre cette première séparation dans l'amour et le respect?

     Serions-nous si effrayés par le Passage, par la Mort?

     Si cet" autre monde" qu'est « l'Au-delà" de l'univers maternel de chaleur et de réconfort, dans lequel nous arrivons en naissant, n'est pas" sécurisant" du point de vue de l'Ëtre, nous imprimons dans nos fibres, la Peur ... Peur de " l'Autre ", du passage.

     Observons notre monde actuel, notre humanité, notre société.

     Ainsi, nous pouvons voir ce que la peur de l'autre engendre: sexisme, xénophobie, racisme, exclusion, appartheid.

     Les liens dont nous sommes tous tissés constituent la trame du " tissu humain ". Ces liens nous relient à la mémoire de nos ancêtres, à l'origine des temps et à l'histoire de l'humanité. Sans eux, nous sommes voués à fabriquer toute perversion qui va à l'encontre de l'universalisme. Préserver ces liens et en créer d'autres, voilà ce que permet ce moment d'exception qu'est la naissance.

     Citées dans la Bible, au livre de l'Exode, les sagesfemmes ont choisi la Vie, en épargnant les enfantes desexe mâle, que Pharaon avait ordonné de tuer. De part cette " sagesse" de se situer du " côté de la vie ", elles ont été nommées « sages" - inspirées des choses humaines et divines.

     Femmes, mères et sages-femmes avons notre responsabilité dans l'art de respecter, célébrer et accueillir la vie.

     Le devenir de notre humanité, comme jadis celui du peuple Hébreu, est aussi lié en partie à la manière dont nous accueillons l'être qui vient au monde.

     " Quand le premier cri jaillit, un profond silence s'installe, et l'on perçoit dans nombre de nativités, la vénération de tous: un être humain est né, cela coupe le souffle, émerveille celui qui s'approche, les émotions se bousculent, mais un grand respect demeure devant l'enfant porteur d'avenir".

     Aujourd'hui nous pouvons préserver cette célébration de la vie et être à la fois un technicien de son temps. Paracelse nous enseigne: " Il n'y a pas de science sans méditation " ; ainsi nous avons des mains, des yeux, un nez, des oreilles ... et d'autres sens encore; ne sont-ils pas là pour nous aider à mieux nous imprégner de l'autre et mieux l'accompagner?

     Justement le chemin de la grossesse parcouru ensemble, mère-fœtus-père et parallèlement la sage-femme, l'accoucheur, qui tentent d'éclairer l'inconnu" débroussaillent" et offrent leurs bras lors des passages difficiles, devrait aboutir à un accouchement sans crainte, totalement confiant dans l'ordre des lois de la nature.

III - QUELQUES RÈGLES SIMPLES POUR L'HUMANISATION DE LA NAISSANCE

     A l'éclairage des données qui précèdent, nous pouvons convenir, afin" de donner à la Vie toutes ses chances* ", et à la Naissance toute sa dimension humaine d'une trame à respecter pour chacune d'entr'elles.

     Vivre avec la réalité d'une naissance, c'est évoluer dans une dimension affective, humaine et sociale. Pour préserver cette réalité, il importe que les lieux d'accueil des futurs parents soient des lieux de convivialité; où l'aspect médical n'entre pas en conflit, en opposition avec l'aspect humain fondamental dont a tant besoin la société et l'ensemble des personnels de santé.

     Privilégier l'accueil de la mère, du père et de l'enfant tout en respectant notre éthique fondamentale, qui est de permettre la naissance d'une famille dans les meilleures conditions physiques et psychologiques.

     Aussi est-ce à chacun d'entre nous, de part la place que nous occupons dans les maternités et autres lieux de naissance, de retrouver ce sens fondamental et cette responsabilité qui incombent à notre métier.

     C'est aussi et avant tout, en étant solidaires les uns des autres, parents et professionnels, que nous pourrons atteindre ces objectifs.

     L'accompagnement global de la naissance se situe dans une dimension d'encouragements positifs, de sollicitude, d'écoute et de responsabilité. Il induit le fait d'être" avec" et" autour ". Une des grandes thérapeutiques universelle autour de la naissance, a toujours été la chaleur; chaleur humaine, chaleur physique ... De tout temps et par maintes cultures, les sages-femmes ont été nommées "Bonne Mère ", " Mère matrone ", la " Femme qui aide ".

      Ainsi la place ancienne et novatrice de la sage-femme doit elle se centrer sur l'entr'aide, la solidarité féminine, la Santé et non la maladie!

La santé d'une femme enceinte et de son petit passant par sa santé psychologique, la compétence des sagesfemmes doit s'orienter de plus en plus vers les réalités psychologiques de la naissance.

Notre métier est au cœur de la " relation d'aide ", et pour l'exercer avec art et sensibilité, il convient de développer nos qualités d'écoute et d'observation et de cultiver l'ouverture à l'autre.

A cet égard, il serait souhaitable que se développe dans les écoles de sages-femmes et ies services d'obstétrique, en complémentarité avec l'apprentissage théorique de la psychologie et de la pédagogie, le sens pratique de la communication et de la relation à l'autre.

     Notre profession évolue et s'adapte aux réalités de notre temps. Chacun de nous est confronté dans les lieux de son exercice à différents problèmes, qu'il doit résoudre pour préserver l'éthique d'une naissance respectant l'humain. Chacun, en fonction de son évolution personnelle et professionnelle qu'il convient de préserver et d'encourager? Un aspect sans lequel la vie perd son sens original, sans lequel notre métier est infirme? Sans doute l'avez-vous reconnu, il s'agit de l'Amour.

     C'est donc à chacun(e), de par sa réflexion et le sens de ses valeurs humaines, de faire passer le respect et l'amour du prochain dans sa pratique. C'est par nos actes et notre état d'être autour des futurs parents que progressivement nous induisons un autre type de travail.

     Chaque femme porte en elle un savoir millénaire concernant la naissance. En chaque corps de femme est inscrit une naissance passée et à venir; nous apprenons des femmes comme elles apprennent de nous; gardons humblement notre place de femme « sage ", et permettons à ces femmes de retrouver en elles-mêmes la confiance ... Confiance en leur capacité de « donner la vie ", confiance en leur compétence maternelle.

     La préparation à la naissance, permet en grande et compétence partie, quand elle est réalisée avec cœur, enthousiasme et compétence, d'informer, de rassurer, d'accueillir sensations et émotions, de guider la femme enceinte à retrouver en elle son potentiel d'adaptation pour ce « passage" qu'est la mise au monde; mais elle ne suffit pas à elle seule!

     L'environnement humain et médical de la naissance doit permettre aux femmes, aux parents, leur libre expression physique et émotionnelle:

- Ne pas imposer une façon d'accoucher, mais écouter les besoins des parturientes.

- Sachant que plus de 80 % des naissances sont physiologiques, éviter de s'affairer dès l'arrivée d'une femme en maternité, à l'allonger, la monitorer, la perfuser, de façon systématique, créant ainsi les conditions physiques et psychologiques défavorables au déroulement naturel de l'accouchement.

- Orienter l'accompagnement du travail sur le respect de la physiologie et non sur « l'affût" de la pathologie. - Observer les règles simples de surveillance clinique, avec tact, chaleur et discrétion, ne nous empêchent nullement d'être attentifs.

- Respecter le rythme de chacune, ses besoins d'expression physique: mobilité, variété des positions debout, assise, accroupie, à genoux, ou autre; une femme sur le point d'accoucher s'allonge spontanément rarement. On s'alite quand on est malade, le mouvement du corps s'accorde mieux avec le fait de donner la vie.

- Accueillir les émotions, cris, pleurs et sons, sans jugement; encourager leur expression.

- Savoir attendre, prévenir, guider, accompagner, mais aussi informer du déroulement de l'accouchement et expliquer l'utilité des médications qu'on emploie.

     Dans les contextes où l'on n'impose pas une position ou médication systématiques, où la femme est libre de se mouvoir et de s'exprimer, les accouchements sont en majeure partie eutociques.

     L'accouchement, par essence est « acte d'ouverture ", d'extériorisation.
     Chaque être humain s'ouvre davantage dans un climat accueillant et chaleureux, alors qu'il se ferme dans un climat qu'il ressent hostile.
     C'est un phénomène instinctif de défense.
     Quand une femme se sent agressée dans son intimité, elle se ferme, et par là-même retient son bébé.

     Stagnation de la dilatation, péridurale, forceps, ventouse, épisiotomie, césarienne, témoignent souvent de cette dysharmonie entre les besoins réels des femmes et l'environnement de la naissance. Il est temps pour le « bon sens" - le sens humain - de montrer le chemin de la vie! Jadis les sages-femmes laissaient le nourrisson s'habituer à l'air, sur le ventre de sa mère. Quand les poumons commençaient à fonctionner, le cordon ombilical réduisait de volume, s'affaissait et s'arrêtait de battre. Ainsi, le passage de la circulation fœtale à la respiration pulmonaire se faisait en douceur, respectant par là-même l'adaptation du nouveauné à la vie extra-utérine. Ainsi lové sur le corps de sa mère, puis délicatement détaché par les mains de son père qui le porte vers son premier bain, le nouveau-né est accueilli dans la tendresse et le calme.

     L'alternative du bain se veut surtout rassurante; en retrouvant le milieu chaud et acqueux qu'il vient de quitter, le nouveau-né sait dès cet instant qu'il existe un retour possible aux sources et une guérison à toute épreuve.

     Les besoins de l'enfant ne se limitent pas à un accueil non violent de bonne qualité. Ils impliquent une équipe prête à favoriser les désirs des parents, l'établissement d'un environnementaussi proche que possible de leurvie quotidienne, et une réduction de la médicalisation à son strict nécessaire.

     Le milieu d'accouchement doit donc être un espace, où les communications et l'expression individuelle sont privilégiés.

     Chaque naissance est unique, personnelle. Cela s'apparente à une création en mouvement où chaque action retrouve son sens dans la communication.

     Équilibrer la balance afin que compétence technique et compétence humaine marchent de pair, devenir de plus en plus préventif dans l'art et la conscience des lois de la nature, des besoins du fœtus et du nouveau-né, en interaction avec son milieu familial et culturel, sont sans aucun doute le nouveau défi, que parents et professionnels nous avons à relever.

     Si cette harmonie est réalisée, nous pouvons espérer que l'enfant deviendra un être libre capable de créer des liens.

     L'humanité est à l'aube d'une nouvelle naissance. Puisse le IW Millénaire nous ouvrir sur une nouvelle vision du monde éclairée par la conscience spirituelle et le sens des valeurs humaines.

     Puisse chacun d'entre nous en devenir l'artisan ... Puisse la coexistence fraternelle entre les peuples « voir le jour " pour pouvoir affirmer haut et fort le slogan du congrès de Royan: « Être Humain, c'est bien" !


















19/07/2009
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