chez jeannette - sage-femme

RELATIONS HUMAINES EN REANIMATION NEO-NATALE

RELATIONS HUMAINES EN RÉANIMATION NÉONATALE

Pr Denis ORIOT, chef de service
 Marie-Jeanne PETRAULT, surveillante
Unité de réanimation pédiatriqueCHU Poitiers

     « Toi qui as sauvé une vie, tu as sauvé l'humanité» ou comment inscrire la réanimation néonatale dans une démarche de progrès pour l'humanité et pas seulement pour la science. Tel est l'enjeu qui laissera l'homme maître de la science périnatale.

     Le nouveau-né est un être en devenir au croisement de l'histoire d'un couple et de celle de l'espèce humaine. Il a été depuis toujours considéré comme un « produit », même si récemment on lui a reconnu des compétences étonnantes et des capacités de perception acquises pendant sa vie fœtale.

     Le nouveau-né malade a été ignoré et délaissé pendant des siècles jusqu'à l'avènement de la néonatologie dans les années 50. Les techniques investies dès la naissance pour prendre en charge sa détresse vitale ont été établies et répandues dans les années 70. Lors des 20 dernières années, la mortalité néonatale a diminué de 80 % grâce aux progrès des techniques obstétricales et pédiatriques. Le nouveau-né malade s'est retrouvé au centre d'un environnement hautement technologique duquel ses parents étaient exclus. Combien de mères se sont-elles senties dépossédées de leur enfant? Comment croire qu'en maintenant cette (ou une) séparation entre le nouveau-né et ses parents pendant la maladie, on parviendra à rétablir un état de bien-être somatique et psychique satisfaisant et durable pour cet être en devenir? Pourquoi ne pas inclure les parents dans la démarche globale de soins? L' amour peut aussi soigner! Eux seuls, les parents, après avoir cheminé pour accepter la situation, sauront trouver la relation qu'il convient d'établir avec leur enfant.

     Après différentes expériences professionnelles dans des unités de réanimation en province, à Paris et à Montréal, nous avons souhaité changer le regard que nous avions sur les nouveau-nés et leurs parents afin de permettre la poursuite de la relation de proximité parents-enfant malgré, et au cœur des soins de haute technicité.

1) LE NOUVEAU-NÉ EST UNE PERSONNE

     Considérer la fréquence cardiaque à 145/mn, la tension artérielle à 86 mmHg, le lactate à 2,08 mmol/l, la pression d'insufflation à 30 mmHg, etc ... est une somme d'informations importantes pour la prise en charge médicale d'un nouveau-né, mais relève d'un concept acquis depuis l'introduction du « milieu intérieur» par Claude Bernard. Cependant, ne jamais oublier que ce nouveau-né n'est pas la « crevette du 5 » mais Amélie ou Godefroy, méritant le statut d' humain et respecté comme tel, est le plus important des messages à transmettre à une équipe soignante parfois usée par la monotonie, aigrie par les conditions de travail et affaiblie par la gravité des situations cliniques et la confrontation à la mort.

     Ce nouveau-né a le droit au respect, même avec quelques chromosomes en plus ou en moins, même avec une dysmorphie ou de multiples malformations.

     Ce nouveau-né a le droit d' avoir mal lors de sa maladie ou des soins que nous lui prodiguons. A nous de rester en éveil pour détecter cette douleur et la traiter le mieux possible. Soulager la souffrance est sûrement un grand devoir médical mais aussi humain.

     Ce nouveau-né peut, dans certains cas, franchir le seuil de l'irréversible; il mérite alors autant de respect en tant qu'être humain, en refusant l'acharnement dans la souffrance mais en lui permettant une fin de vie paisible et digne en accord avec l'environnement médical, soignant et familial.

2) LES PARENTS SONT DES ADULTES

     Quel pouvoir médical ne s'entache pas de cette domination patriarcale très inscrite dans le comportement latin ? Considérer les parents comme des êtres responsables avec lesquels l'information médicale concernant leur enfant doit être échangée dans un langage de vérité, permet d'attendre d'eux qu'ils s'investissent dans une relation avec leur enfant même si les conditions matérielles sont difficiles. Accompagner et informer les parents, tel est le rôle de l'équipe soignante (médecins, puéricultrices, infirmières, psychologues), pour leur permettre d'apprivoiser la situation et de s'y trouver, petit à petit, plus à l'aise.

     Tolérer la différence et respecter le monde privé et les croyances de chacun quand, aux confins de la vie et de la mort de leur enfant, la question du pourquoi de l'existence reste en suspens ... Ne pas imposer d'attitude normative mais écouter les parents, respecter leurs non-dits et leurs non-faits, les observer, c'est en partie comprendre l'angoisse et le désespoir qui peuvent les habiter. Répondre dans le réel au présent avec honnêteté et justesse permet à la fois de les considérer comme des parents adultes et de les aider à surmonter une situation déroutante.

     La vérité n'est jamais une blessure mais une donnée essentielle à l'élaboration du travail à accomplir par les parents pour accepter la situation réelle dans laquelle se trou ve leur enfant. C'est pourquoi la présence de parents lors de la « visite » du matin n'est plus vécue comme une impossibilité ou une situation périlleuse mais comme une preuve de confiance mutuelle.

3) LE NOUVEAU-NÉ A DES PARENTS

     La reconnaissance de cette relation familiale implique le retrait de l'investissement affectif des soignants afin de laisser une part prépondérante au rôle parental.

     Comment se croire parents quand on ne peut voir son enfant que derrière une vitre et seulement 4 heures sur 24 ?

     L'acceptation de la relation familiale parents/enfant passe par le concept d'une unité de réanimation néonatale « ouverte» aux parents. Cette « perméabilité» est possible par l'absence d'heures de visite. Les parents sont accueillis et sont les bienvenus 24 heures sur 24. Ils peuvent passer le temps qu'ils souhaitent auprès de leur enfant. Leur présence n'est pas vécue comme une présence étrangère dans l'unité, mais comme un atout essentiel pour l'enfant.

     Ils peuvent retrouver le contact avec leur enfant, lui parler, le caresser, l'embrasser, lui prodiguer quelques soins. Que ce soit Mozart, du jazz ou des contines, l'environnement musical est choisi par les parents. Et pourquoi pas une. cassette avec la voix douce de maman ... Autour du nouveauné apparaissent, au fil des jours, des peluches et des petits jouets. Au dessus, un mobile permet de cacher le plafond gris. Quant aux murs de chaque côté du box, on y accroche des posters, les photos de famille, les dessins des grands frères et des grandes sœurs ou même la photo du chien!

     Seule, la tolérance de tous les « genres» de parents permet de garantir cette qualité de relation entre]' enfant et ses parents. Cela passe par une reconnaissance par l'équipe des réactions agressives ou répétitives comme des messages d'angoisse parentale et de besoin d'assurance, de réconfort. Il n'est plus possible de prendre à la lettre les dires, les actions et il convient de les replacer dans leur contexte. Cette démarche de recul etd' analyse réalisée par l'équipe soignante est la plus difficile à maintenir dans le temps. Elle nécessite discussions répétées et échanges. C'est un peu le prix à payer de la profonde satisfaction que nous pouvons avoir lorsque des parents prennent leur enfant dans leurs bras et l' embrassent tendrement.

     Nous avons choisi de développer ces relations humaines dans notre unité de réanimation néonatale. Elles passent par le respect de l'autre et la reconnaissance pour le nouveau-né des droits fondamentaux de tout être humain. Les parents sont considérés comme des acteurs indispensables à la démarche thérapeutique dirigée vers leur enfant. Leur présence et leur intervention permettent de transformer une unité de réanimation de nouveau-nés en un lieu où l'on soigne des êtres en devenir. L'application des techniques scientifiques ne se fait qu'en ayant conscience de l'importance de la richesse relationnelle qui doit les entourer, au risque d'échouer et de ne jamais atteindre l'objectif. L'enjeu est de taille: être ou ne pas être.

QUESTIONS

Une sage-femme (Tunisie) : Nous, nous avons un gros problème. C'est de jàire respecter l'aseptie et l'hygiène de la part du personnel soignant dans nos unités de réanimation du nouveau-né. Je trouve que c'est très bien de vouloir ouvrir les unités de soins aux parents, 24 h sur 24 mais commentfaites vous pour résoudre les problèmes d'aseptie et d'hygiène?

• Professeur ORIOT : Pour vous répondre sur le plan un peu théorique, je crois qu'il ne faut pas opposer les infections nosocomiales avec la relation parentale et filiale.

     Ensuite, il n'y a aucune étude scientifique qui démontre clairement la preuve de la prévention des infections nosocomiales par l'habillage, le port de surchaussures, de masques, de calots dans des unités de réanimation.
     Le seul élément qui soit réputé comme indispensable dans cette prévention c'est le lavage des mains avant et après avoir touché un enfant. Les parents se plient il cette « loi» qui existe dans mon service.
     Nous avons aussi une blouse spécifique de l'enfant et nous veillons au nettoyage constant et il la stérilisation si nécessaire du matériel spécifique déposé auprès de l'enfant.
     Nous n'avons par exemple pas de matériel médical qui se passe d'enfant il enfant. Chaque enfant il son matériel propre. Notre taux d'infections nosocomiales est dans la moyenne de ce qui se trouve en France.
     La réponse vient donc de la préférence que nous avons dans le service (ouverture aux parents) et d'un certain nombre de règles d'hygiène qui ont été reconnues comme les seules pouvant permettre d'éviter les infections nosocomiales.
     Si vous allez en Amérique du Nord vous serez extrêmement surprise de voir que dans les unités de réanimation rentre qui veut clans une tenue vestimentaire étonnante. J'ai eu l'expérience d'unités de soins intensifs au Canada oÙ, en plein hiver, on rentrait avec les bottes cie neige. Cela n'augmentait pas le taux cl'infections nosocomiales. Il était même plus bas que dans les unités oÙj'ai pu être formé et oÙ les germes n'étaient plus sensibles aux antibiotiques. Donc pour résoudre cette question, il y a une politique globale de l'établissement, une politique de l'unité dans laquelle on travaille et une reconnaissance profoncle du rôle des parents. Pour le reste de la famille, nous leur demandons de rester à l'écart sinon nous multiplions le risque de contamination. Le rôle le plus important ce sont les parents directs (mère, père) avec la proximité de regard, de toucher, de parole. Pour le reste de la famille, il suffit de la vision.

Une sage-femme (France) : Faites-vous quelque chose pour préserver ['allaitement maternel?

• Professeur ORIOT: Bien sûr. Quand nous intervenons en salle de naissance, après avoir fait les soins d'urgence, la première chose que nous faisons c'est de demander à la maman si elle veut allaiter. Ensuite, dans l'unité de réanimation, à toute femme qui souhaite allaiter nous demandons de garder son lait. Nous lui expliquons que, peut-être dans les premiers moments nous ne pourrons pas l'utiliser, mais que son lait est le meilleur et que nous le donnerons dès que possible à l'enfant. Donc ces femmes tirent leur lait et l'apportent régulièrement dans le service, si elles le désirent.







16/07/2009
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