chez jeannette - sage-femme

Sage-femme au CAMEROUN, Marie Nomo Lessina


Sages-femmes au CAMEROUN

Marie Nomo Messina, sage-femme

Ce témoignage a été présenté au congrès de Royan (1994) sur le thème des compétences des sages-femmes pour valoriser l'humain dans la naissance



     Marie NOMO MESSINA rappelle la place de la sage-femme dans le milieu camerounais et la souffrance d'une impossibilité de médicalisation qui conduit à la déshumanisation. « Au Cameroun, il y a très peu de sages-femmes et la profession est en voie dc disparition. "

     L'enfant occupe encore une très grande place dans la vie des populations. Donner la vie est un mystère qui échappe à l'homme. Malgré les progrès de la science, ne nous leurrons pas, nous n'aurons jamais fini de découvrir ce qu'est la maternité.

     Chaque accouchement est une expérience nouvelle qu'une femme doit vivre et chaque femme est considérée comme un cas particulier avec ses origines, son éducation, sa sensibilité, son vécu quotidien. Il ne s'agit donc pas pour la sagefemme de« sortir la tête» de l'enfant des voies génitales de sa mère mais de conduire cette femme vers la plénitude de sa maternité en l'aidant à chaque étape. Ce qui nécessite une attention particulière. Chez nous au Cameroun la famille assiste à l'accouchement. Quand la femme vient accoucher elle est accompagnée de sa tante, de sa mère, de sa famille.

     En Afrique, les femmes comprennent la place de la sage-femme. C'est pour cela qu'elles rccherchent plus son assistance que celle du gynécologue. La femme africaine considère ce moment comme un instant pudique. Elle ne doit pas paraître aux yeux de l 'homme afin de ne pas altérer les sentiments que ce dernier a envers elle.

     L'africaine veut vivre et partager cet instant avec une autre femme, avec d'autres femmes en nouant une chaînc de solidarité qui fait que l'accouchement devient un acte purement féminin. Quand une femme accouche accidentellement sur la route, les autres femmes viennent faire un cercle autour d'elle pour empêcher les hommes de venir assister. II faut donc que la sage-femme comprenne cette situation sinon elle se fait rejeter par la communauté.

     Pendant que l'Occident déplore la médicalisation à outrance de l'accouchement, nous, nous souffrons de l' absence de cette médicalisation. L'accouchement devient un acte à hauts risques.

     Généralement, la femme accouche, malgré la présence d'une sage-femme, dans des conditions très difficiles mettant sa vie et celle de l'enfant en danger:
- Le manque de matériel de première nécessité: alcool. coton. compresses, stérilisateurs et autres, favorisent le manque d'asepsie dans nos centres hospitaliers. d'où risque d'infections.
- L'absence des médicaments et instruments ne permettent pas à la sage-femme de prodiguer des soins adéquats, augmentant ainsi la mortalité maternelle et infantile dans nos salles d'accOLlchements.
- Le mauvais état des routes ou l'absence de celles-ci. l'insuffisance et l'éloignement des infrastructures sanitaires, le coût élevé des prestations médicales et l'absence de sécurité sociale rendent inaccessibles les centres hospitaliers par les populations.
- L'insuffisance du personnel qualifié, l'absence de recyclage de celui-ci les empêchent d'être à la pointe du progrès technique.

     Il faut ajouter à cela la pauvreté et l'ignorance des populations qui ne peuvent pas souvent participer à la promotion de leur propre santé.

     Tous ces facteurs font que nous, sages-femmes des pays non industrialisés, avons d'énormes problèmes pour humaniser les naissances. En salle d'accouchement souvent, il nous manque tout jusqu' à la serviette pour nettoyer le bébé. On est parfois obligée de déshabiller une femme pour couvrir son enfant. Parfois, nous assistons à la perte de la mère car nous n'avons rien pour la sauver. J'étais toute heureuse aujourd'hui de voir comment, dans les pays industrialisés, les femmes accouchent accroupies et vous appelez cela humanisation. Alors que chez nous, les femmes, dans la brousse, accouchent comme cela et nous nous croyons que ce n'est pas bien !

     Pour le planning familial nous sommes obligées de planifier les naissances car dans nos régions, il y a beaucoup d'enfants. Mais nous sommes contre la planification à outrance car nous croyons que l'enfant reste le bien le plus précieux de l 'humanité. Il faudrait arri ver à bien éduquer les femmes afin qu'elles maîtrisent leur fécondité. Pour nous, la femme est la maîtresse de la vie. C'est sur ses genoux que se forment les personnalités et sur ses bras que se forgent les consciences. Le statut de la femme en Afrique dépend de sa maternité. Alors, demandez aux femmes de planifier à outrance, vous ne trouverez personne.

     Nous avons eu des problèmes, il y a deux ans, lors de la campagne de vaccination qui coïncidait avec la campagne de planning familial. Dans notre message, nous avons dit« nous voudrions des femmes en âge de procréer» et, par ailleurs, on parlait de planification familiale. Les femmes et les populations ont compris que c'était une manière de les vacciner contre la maternité. Personne ne voulait plus venir à la vaccination. C'est pour cela qu'il faut faire très attention dans les mots et le mode de communication que nous choisissons pour faire passer le message.

Pour terminer, je continue à penser que la sage- femme a une immense responsabilité dans l'humanisation des naissances.
Il faut qu'elle soit très consciente de sa responsabilité. Je pense qu'elle y arrivera. Ne dit-on pas «ce que femme veut, Dieu le veut» ?

Nous souhaitons que le monde industrialisé redouble d'effort pour nous aider à humaniser nos naissances, surtout en ce moment où nos pays connaissent une crise économique très difficile.

J'attire votre attention sur la manière dont il faut procéder à cette humanisation des naissances. Je souhaite qu'elle soit faite sans passion, avec beaucoup d'intelligence pour ne pas tomber dans les excès tels que nous vivons la médicalisation à outrance dont nous déplorons aujourd'hui les méfaits. C'est ainsi qu'on a couru vers la technologie avec beaucoup d'euphorie. Malheureusement, on se rend compte que cela a été trop rapide, on n'a pas assez tenu compte des facteurs naturels et de l'homme qui est devenu, non le centre de nos interventions, mais l'instrument.

Enfin,je souhaiterais, dans le cadre de cette collaboration Nord-Sud, que le prochain Congrès de Sages-Femmes International se tienne au Cameroun. Ce serait un gros soutien pour ces sages-femmes qui luttent pour conserver leur profession et aider les populations.

APPEL D'UNE SAGE-FEMME DU CAMEROUN

De nouveau au Cameroun depuis une semaine, après un bon séjour parmi vous à ROYAN. Une fois de plus, je vous remercie pour m'avoir permis de participer au congrès qui a été pour moi très réconfortant et d'une grande richesse.

Je viens par la présente renouveler mon désir de voir un jour le Congrès de Sages-femmes International se tenir au Cameroun.

Je sais que vous m'avez donné votre accord de principe, mais j'aimerais avoir une lettre de vous me confirmant cette possibilité afin que je puisse déjà voir comment cela pourrait se faire et quelles seraient les conditions.

Mais, d'ores et déjà,j'ai saisi quelques-unes des collègues et quelques gynécologues qui sont très favorables à une telle initiative.

En ce qui concerne mon association,je compte beaucoup sur vous, car avec la dévaluation du Franc CFA, les choses se compliquent beaucoup ici, surtout sur le plan social.

Depuis mon retour, j'ai trouvé deux bébés abandonnés, jetés dans la poubelle et deux autres ont été tués par leurs mamans. Ceci est le fait d'une trop grande misère: ce sont les méfaits de la prostitution des jeunes enfants, des maternités précoces, de la pauvreté de, la sous-scolarisation, du SIDA ...

Mon association « MAIN DANS LA MAIN» est une association humanitaire à but non lucratif qui s'occupe des déshérités et principalement des orphelins, des mineurs emprisonnés et des vieillards abandonnés. Pour ces personnes en difficultés, nous avons le projet de construire un centre d'accueil pour lequel nous avons déjà acquis un terrain d'un hectare dans la ville de Douala, gracieusement offert par Monsieur POKOSSY DOUMBE, Délégué du Gouvernement, et des plans.

Ce projet de construction est né de trois constats:

1) La croissance fulgurante de cette population particulièrement vulnérable, du fait de la conjoncture économique difficile et le nombre important de décès dû au mauvais cadre social.

2) Les proportions inquiétantes que prennent la délinquance juvénile, la prostitution, la mendicité et la criminalité dans la ville.

3) L'augmentation des cas de SIDA avec sa cohorte d'orphelins.

A l'heure actuelle, 160 enfants orphelins, dont beaucoup sont les orphelins du SIDA, une cinquantaine de jeunes prisonniers (13-20 ans) et 15 vieillards bénéficient de notre assistance (prise en charge de scolarité par le paiement des frais et fournitures scolaires, l'entretien de nos déshérités par l'octroi des médicaments, nourriture, vêtements, soins médicaux).

Le renom acquis par l'Association conduit un nombre croissant de déshérités à notre porte.

Mais à l'heure actuelle, nous éprouvons d'énormes difficultés à assumer ces responsabilités; quelques-uns de nos enfants ne peuvent plus aller à l'école, d'autres meurent par malnutrition et insuffisance de soins médicaux.

Aussi, nous aimerions que vous nous aidiez dans la constrution de l'infirmerie de notre orphelinat ou son équipement dont le coût total avoisine une somme de 10000000 FCFA soit 100 000 FF. Cependant, toute autre forme d'aide à votre convenance dans les domaines ci-après: médicaments, petit matériel médical, nous sera d'un grand soutien.

Vous pouvez joindre Madame S. Nomo MESSINA pour l'encourager et l'aider à l'adresse suivante:

Association MAIN DANS LA MAIN   BP 4849  DOUALA CAMEROUN Téléphone: 19.237.43.08.70 ou 43. 08. 71 Télécopie: 19.237.43.08.72 Téléx : 5161 KN




17/07/2009
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