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HEPATITES VIRALES ET GROSSESSE, Dr Y. Bacq, Tours (France)


Hépatites virales et grossesse


Yannick Bacq
Praticien-Hospitalier,
Service d'hépatogastroentérologie,
Hôpital Trousseau,  Tours

Le virus

Le virus des hépatites A, B, C, D (ou Delta) et E sont responsables de la plupart des hépatites virales. Le virus de l'hépatite C (VHC) est l'agent responsable de l'hépatite non-A non-B à transmission parentérale et le virus de l'hépatite E (VHE) celui de l'hépatite D (VHD) est un virus défectif qui utilise l'enveloppe du virus de l'hépatite B (VHB). Ce virus s'exprime donc uniquement chez les personnes infectées également par le VHB et donc en pratique chez les patientes dont le sérum contient l'antigène HBs (antigène de surface du VHB). Ainsi, on peut observer une surinfection Delta chez un porteur chronique de l'Ag HBs, ou une co-infection BDelta. En France, l'hépatite D s'observe essentiellement chez les toxicomanes et leurs partenaires sexuels. Peu de cas ont été observés chez des femmes enceintes. L'hépatite E ne s'observe pas en France (tout au moins jusqu'à présent) sauf si la patiente a voyagé récemment dans une zone d'endémie, par exemple en Afrique du nord ou en Afrique noire, au Moyen-Orient, en Asie du sud-est ou en Amérique centrale. Seuls les virus des hépatites B, C et D sont à l'origine des hépatites chroniques.

Le diagnostic

Le diagnostic d'une hépatite virale au cours de la grossesse repose sur les mêmes arguments cliniques, épidémiologiques, et sérologiques qu'en dehors de la grossesse. Les principaux symptômes sont l'asthénie, l'anorexie, les nausées ou vomissements, les douleurs abdominales (en particulier épigastriques) la fièvre, les myalgies et arthralgies, le prurit. Ces symptômes ne sont pas spécifiques. L'ictère est inconstant. L'activité sérique des aminotransférases (ou transaminases) est habituellement très augmentée en cas d'hépatite aiguë et modérée augmentée (et parfois normale durant la grossesse) en cas d'hépatite chronique. Le diagnostic sérologique d'une hépatite aiguë A repose sur la mise en évidence dans le sérum des IgM antiHAV, et celui d'une hépatite aiguë B sur la mise en évidence dans le sérum de l'antigène HBs et de l'lg M anti-HBc. Le diagnostic d'une hépatite C repose habituellement sur la mise en évidence des anticorps anti-VHC associés à une hypertransaminasémie. Le diagnostic d'une hépatite D repose sur la présence dans le sérum de l'antigène et/ou des anticorps anti-Delta associés à l'antigène HBs.

Le pronostic

Le pronostic d'une hépatite virale au cours de la grossesse dépend du virus en cause. Le pronostic maternel est peu ou non modifié par la grossesse en cas d'hépatite A, B, C. En revanche, en cas d'hépatite E le risque d'hépatite fulminante est beaucoup plus élevé pendant la grossesse. Les virus des hépatites virales A, B, C ne sont pas tératogènes. En cas d'hépatite virale B le principal risque est la transmission périnatale du VHB. Le bébé contaminé à la naissance restera le plus souvent porteur chronique du virus B, avec le risque d'hépatite chronique, de cirrhose, et de carcinome hépatocellulaire. En France, depuis février 1992, ledépis-tage de l'Antigène HBs est obligatoire au 6e mois de grossesse. La présence de l'Antigène HBs dans le sérum maternel signifie que la mère est infectée par le VHB. Afin de prévenir la transmission péri-natale du VHB, il faut sérovacciner, dès la naissance, tous les nouveau-nés dont la mère est porteuse de l'antigène HBs. Plusieurs types de protocole vaccinal sont préconisés. Le protocole de sérovaccination proposé dans le tableau ci-après est efficace et peut être utilisé quel que soit le niveau de la réplication virale du VHB. A notre avis, il est inutile de tenir compte de la présence ou de l'absence de l'antigène HBe, dans le sérum maternel. Dès la naissance, deux injections intra-musculaires doivent être effectuées, l'une pour le vaccin, l'autre pour les gammaglobulines spécifiques anti-HBs.

Sérovaccination du nouveau-né dont la mère est porteuse de l'antigène HBs

Naissance: vaccin + gammaglobulines spécifiques anti-HBs (200 UI)
1 mois : vaccin + gammaglobulines spécifiques anti-HBs (200 UI)
2 mois : vaccin
3 mois : vaccin
12 mois : vaccin
Puis rappel de vaccin tous les 5 ans

allaitement maternel

     Lorsque le nouveau-né est sérovacciné, l'allaitement est autorisé. Le nouveau-né d'une mère infectée par le VHD doit recevoir, dès la naissance, la même protection séro-vaccinale que pour le VHB.

     En cas de positivité de l'antigène HBs dans le sérum maternel, il faut également rechercher les marqueurs du VHB (Ag HBs, anticorps anti-HBs, anticorps anti-HBc) chez les partenaires sexuels et les autres enfants, et sérovacciner rapidement tous ceux qui ne sont pas correctement immunisés contre le VHB. Il est préférable de débuter la sérovaccination du partenaire et des enfants, immédiatement, sans attendre le résultat de leur sérologie. Le protocole de vaccination pourra être interrompu si le sujet est déjà porteur de l'antigène HBs ou si il a été préalablement en contact avec le VHB et immunisé (anticorps anti-HBs et anticorps antiHBc présents dans le sérum avant la vaccination). Enfin, il faut définir le statut de la mère par rapport au VHB (hépatite aiguë, hépatite chronique ou portage chronique sain de l'Antigène HBs). Ceci nécessite l'avis d'un hépatologue et que la mère soit revue systématiquement en consultation après son accouchement.

     A l'inverse du VHB, la transmission périnatale du VHC semble exceptionnelle, tout au moins chez les mères dont la sérologie VIH est négative. Les anticorps anti-VHC d'origine maternelle peuvent être retrouvées chez le nouveau-né (en particulier dans le sang du cordon) et disparaissent habituellement avant le 6e mois de la vie. En revanche, le risque de transmission du VHC par l'allaitement n'est pas connu, et dans l'état actuel des connaissances, il nous semble préférable de déconseiller l'allaitement pour les mères dont le sérum contient des anticorps anti-VHC.

traitement

     Il n'y a pas de traitement médical spécifique d'une hépatite virale aiguë mais il faut arrêter tous les médicaments, en particulier les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), les traitements hormonaux, la méthyl-dopa. Le principal élément de surveillance maternelle d'une hépatite virale aiguë est le taux de prothrombine (TP). Un TP inférieur à 50 % (associé à une diminution du facteurV) témoigne d'une insuffisance hépatocellulaire sévère et doit faire craindre une évolution vers une hépatite fulminante (définie par l'existence de troubles de conscience). Hormis le cas du virus E, la survenue d'une hépatite fulminante est rare mais doit faire discuter une transplantation hépatique en urgence.

     L'interféron et la vidarabine phosphate qui sont les principaux traitements des hépatites chroniques virales sont contre-indiqués pendant la grossesse. Le traitement d'une hépatite chronique devra donc être discuté après la grossesse. En revanche, la grossesse n'est pas une contreindication à la vaccination contre le VHB, et celle-ci ne doit donc pas être retardée par une grossesse chez les patientes exposées au VHB en particulier le personnel de santé.

     Bien qu'ils ne fassent pas, par définition, partie des virus des hépatites, les virus du groupe herpès peuvent entraîner une atteinte hépatique aiguë. En particulier, l'hépatite herpétique due à herpès simplex virus (HSV 1 ou HSV 2) est rare mais très sévère au cours de la grossesse. Son diagnostic doit être évoqué devant une fièvre, une hypertransaminasémie importante, une leucopénie, et surtout la présence de vésicules herpétiques sur la peau ou les muqueuses. Les lésions histologiques hépatiques sont souvent caractéristiques. Le traitement par l'aciclovir (Zovirax®) est utile et doit être débuté précocément. La posologie est la même que pour une méningo-encéphalite. Le virus peut être isolé à partir du prélèvement effectué au niveau d'une lésion cutanée ou muqueuse (vésicule ou ulcération) ou éventuellement à partir d'une biopsie hépatique. En cas d'atteinte des muqueuses génitales, la césarienne est habituellement recommandée afin de diminuer le risque de contamination du nouveau-né. Une primo-infection à cytomégalovirus (CMV) peut également être révélée par une atteinte hépatique au cours de la grossesse. Son diagnostic repose habituellement sur une élévation significative du taux des anticorps spécifiques ou sur la mise en évidence d'une séroconversion. Le principal problème posé par l'infection à CMV pendant la grossesse est celui de l'évaluation du risque fœtal. En dehors de la grossesse, le virus d'Epstein-Barr est fréquemment responsable de lésions hépatiques aiguës et le diagnostic repose sur la mise en évidence des anticorps anti-VCA de type IgM dans le sérum. Cependant, en pratique, une mononucléose infectieuse est rarement observée chez une femme enceinte.

Conclusion

     Une hépatite virale doit être recherchée lorsqu'une femme enceinte est atteinte d'une maladie du foie, c'est-à-dire en pratique, lorsqu'il existe une hypertransaminasémie. Dans ce cas, les sérologies spécifiques des hépatites virales doivent être systématiquement effectuées. Lorsque l'antigène HBs est présent dans le sérum maternel durant la grossesse, la sérovaccination du nouveau-né contre le VHB est toujours indiquée. A côté, des hépatites virales et des atteintes hépatiques liées aux virus du groupe herpès, il existe de multiples causes d'hépatopathies au cours de la grossesse. Il peut s'agir d'une hépatopathie gravidique spécifique (stéatose hépatique aiguë gravidique), cholestase intrahépatique gravidique, lésions hépatiques de la préeclampsie) d'une hépatopathie intercurrente (hépatopathies médicamenteuses, cholestase infectieuse en particulier en cas d'infection urinaire) ou enfin d'une hépatopathie chronique pré-existante révélée au cours de la grossesse (par exemple une cirrhose biliaire primitive). Laconduiteàtenir et le pronostic materna-fœtal dépendent de la cause de l'hépatopathie. Celle-ci doit donc être rapidement retrouvée et ceci nécessite une collaboration régulière entre l'équipe obstétricale et un hépatologue.

Bibliographie

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19/07/2009
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