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HUMANISATION ET NAISSANCE, jeannette bessonart

HUMANISATION ET NAISSANCE

Jeannette BESSONART*

     Etre humain dans l'accompagnement global de la naissance, c'est une façon de prendre en compte la totalité de l'événement NAISSANCE dans les vécus et l'environnement périnatals, aux niveaux intime, familial, sanitaire, social, culturel.

     Les VÉCUS dont il est question, c'est:
- le bonheur et (ou) la surprise d'être enceinte avec l'inquiétude et le questionnement,
-le besoin d'information vraie sur les phénomènes psychiques et physiologiques de la maternité/paternité, - le plaisir et la douleur de mettre au monde,
- l'apprentissage des attitudes et postures qui facilitent l'enfantement et qui rendent autonomes, -le partage de la joie en famille,
-la convivialité de proximité du milieu de vie et de travail.

     Tout cela sont des concepts et vécus essentiels et on ne peut pas réduire la naissance uniquement à la pathologie obstétricale. Tout cela vécu autant que possible dans une unité de lieu et de continuité des soins : unité de lieu ? à proximité de chez soi, dans son quartier, sa ville, et pendant tout le cheminement de la grossesse jusqu'aux suites de couches. Unité de suivi? par la même personne ou une équipe réduite afin d'éviter le morcellement des relations et la dépersonnalisation.

     Le vécu de la naissance, c'est aussi:
-l'expérience de l'autonomie et la force de vivre ses choix, pour les parents et les professionnels, -l'entrée dans une société avec ses rites, ses traditions, ses lois,
- le soutien par les professionnels de la physiologie de la maternité par une pratique avisée de la prévention périnatale et le traitement des pathologies obstétricales réelles pré-existantes ou déclenchées par la maternité. Vous voyez donc que le traitement des pathologies obstétricales et la médecine occupent une infime partie d'un vaste ensemble qui aide l'humain à se construire. Nous avons besoin de la médecine mais elle ne peut couvrir le champ global de l'accompagnement de la naissance. Il nous faut en être bien convaincus.

     Tout cet ensemble des vécus est aujourd'hui largement évoqué par les professionnels et les parents et repris dans les médias écrits et audio-visuels.

     En revanche, ce qui représente l'ENVIRONNEMENT DE LA NAISSANCE ou l'espace social de confort pour les vécus de la naissance (telles l'organisation du système périnatal de santé, les décisions des politiques, l'aménagement périnatal du territoire ... ) tout cela nous semble peu étudié, peu analysé. Alors que souvent les décisions ou absences de décisions des gestionnaires politiques pèsent lourd dans nos vécus. Pour les sages-femmes actuellement peu consultées sur la périnatalité, nous nous étonnons des décisions paradoxales du Législateur qui nous reconnaît comme profession médicale dans la totalité des suivis des naissances et qui dans la pratique accepte la non utilisation au maximum de nos compétences et la réduction de notre espace professionnel.

     Donc, pour humaniser en périnatalité, il faut que chacun de nous apprenne à tenir ensemble VÉCUS ET ENVIRONNEMENT PÉRINATALS.

     Ce congrès est donc organisé pour harmoniser VÉCUS et ENVIRONNEMENT à travers le concept d'HUMANISATION.

     D'autant plus que nous assistons aujourd'hui à l'émergence d'un malaise chez des professionnels et des parents. Ce malaise est de type insatisfaction, amertume, regrets de ne pouvoir pleinement se réaliser, dans leur profession ou leur histoire de parentalité.

     Cela vient du fait que l'enfantement est appréhendé dans beaucoup de nos sociétés, non pas comme un évènement physiologique de santé, culturel, social, humain mais d'emblée comme une maladie. Comme si nous étions nés de la maladie de nos parents et non pas de leur amour.

     Le rapport épidémiologique reconnu de 80 % de physiologie et de 20 % de pathologie dans la naissance est trop souvent, artificiellement inversé par une approche de médicalisation systématique qui risque de se transformer en une « hyper-médicalisation » galopante avec ses risques iatrogènes. On considère alors que la naissance c'est 80 % de pathologie (quand ce n'est pas 100 %) et20 % de physiologie.

     Les normes« standards» de soins des pathologies obstétricales, deviennent les soins de routines et sont alors appliquées à la totalité des gestantes et des parturientes alors que 10 à 20 % en sont redevables.

     Appréhender la naissance comme une maladie favorise le déséquilibre entre l'humain et la technique, souvent au détriment de l' humain tout au moins dans les pays industrialisés. Car dans les pays en développement, il faudrait un peu plus de technique pour préserver la vie de l'humain.

     Appréhender la naissance comme une maladie change entièrement la physionomie de l'histoire culturelle, sociale, médicale de la naissance ainsi que les plans de la politique périnatale des gouvernements.

     Appréhender la naissance comme une maladie facilite la perte de qualité de ]' autonomie des parents pour gérer leur histoire de naissance qui se transforme alors en « risque de naître» inhibant« le choix et la liberté ». Les parents vivent une « inconsciente contrainte» d'une naissance-consommation favorisée par l'effet modes et médias.

     Je pense donc que parler de l'humanisation de la naissance est un grand sujet de société. Et qu'il deviendra de plus en plus d'actualité, ne serait-ce que pour des raisons financières et éthiques.

     D'autant plus qu'un élément important du malaise des professionnels et des parents ne peut être éludé. Je vous en ai déjà parlé.

     Il s'agit des responsabilités des gestionnaires politiques dans les difficultés que nous avons à faire passer l'HUMANISATION afin que les mères soient en sécurité physique et psychologique lors des naissances.

     Un exemple: le 12 avril 1994, le Gouvernement français, en la personne de Madame VEIL, a présenté son plan sur la périnatalité en faisant remarquer (je cite) « Depuis 1 0 ans, le rythme d'amélioration des principaux indicateurs liés à la naissance est moins rapide que dans les autres pays industrialisés. La France se retrouve au 13è rang des pays de l'OCDE pour le taux de mortalité périnatale ... Le Gouvernement a donc décidé d'adopter un plan d'action visant à améliorer la sécurité et la qualité de la grossesse et de la naissance ... »

Le plan se donne quatre objectifs de santé publique:
- diminuer la mortalité maternelle de 30 % (en 1991, 120 mères sont mortes en France - 13,9 pour 100000), - abaisser la mortalité périnatale d'au moins 20 %,
- réduire le nombre d'enfants de faible poids de 25 %,
- réduire le nombre de femmes peu ou pas suivies au cours de leur grossesse.

     Pour obtenir des résultats, le gouvernement fixe 16 mesures.

     Déjà nous pouvons remarquer à la lecture du contenu de ces 20 pages qu'il s'agit d'une approche de la totalité de la périnatalité comme un événement pathologique nécessitant une attitude médicalisée offensive alors qu'il faut de la prévention. Un exemple au sujet de l'humanisation: ce mot apparaît dans « l'humanisation de l'accouchement» et pour humaniser l'accouchement que propose-t-on ? « le remboursement par la sécurité sociale à 100 % de toutes les analgésies péridurales ».

     Nous verrons s'il est possible de réfléchir sur « une périnatalité globale» avec un plan ambitieux de prévention et d'éducation à la santé en tenant compte des désirs et des possibilités, des besoins et des moyens, du culturel et de l'aménagement périnatal du territoire, de la physiologie et des pathologies obstétricales, dans le plaisir et la sécurité. Quelqu'un me disait « on assiste actuellement au déménagement périnatal du territoire » avec la fermeture des maternités de proximité que l'on dit « petites maternités ». Il n'y a pas de petites et de grandes structures. Il n'y a que des structures qui répondent aux besoins des parents. Nous verrons ce que font d'autres pays. Nous espérons que le Ministre délégué à la Santé sera présent pour entendre nos préoccupations et nous donner le point de vue du gouvernement.

     Dans le plan du Gouvernement présenté le 12 avril, il est aussi fait mention de l'amélioration des prestations des professionnels. Les mesures proposées valorisent surtout les prestations techniques relevant du SA VOIR FAIRE. Nous verrons ensemble ce que peut être l'amélioration des prestations des professionnels dans la diversité des métiers et la globalité du SAVOIR, SAVOIR FAIRE, SA VOIR ÊTRE en partenariat avec les parents.

     Pour humaniser la vie, il nous paraît important de parler de cette maladie contemporaine, sorte de peste des temps modernes, dont on n'a pas encore trouvé la thérapeutique de guérison. Vous l'avez compris, c'est le Syndrome d' immunodéfiscience acquise, SIDA. Nous en parlerons sous l'angle de l'humanisation des relations entre parents et professionnels en partant des témoignages de celles et ceux qui vivent l'événement.

     Je voudrais là faire une parenthèse. Pour beaucoup de mères dans le monde, le SIDA n'est qu'une maladie de plus, ajoutée à un ensemble de problèmes et de maladies beaucoup plus répandus : guerres, sous développement, corruption, sous alimentation, anémie, paludisme, hémorragies, ruptures utérines, absence d'infrastructure de transfert, pauvreté des budgets de santé et non prise en considération de la santé des femmes, etc ...

     En effet, 500 000 mères meurent chaque année lors de leur accouchement (99 % soit 495 000 dans les pays en développement) ... Le SIDA, pour elles, peut être surajouté, il peut être la résultante et servir de révélateur d'un ensemble plus vaste de problèmes. On ne peut pas oublier les responsabilités internationales, particulièrement celles des pays industrialisés, dans la mort en couches des femmes, chaque année dans le monde.

     En mai 1990, lors de la conférence internationale sur les implications du SIDA mère/enfant, il a été fait une déclaration qui se termine comme ceci:

     Reconnaître le rôle crucial qui incombe aux femmes dans la stratégie mondiale de lutte contre le SIDA et s'employer à armer plus activement les femmes pour le combat contre le SIDA. Quatre ans après, où en est-on de ce combat avec et pour les femmes ?

     Dans ce congrès, nous analyserons aussi l'importance d'humaniser nos suivis, nos gestes professionnels en établissements de soins (publics et privés).

     Nous savons déjà en partie ce qui protège l'humain grâce au sondage que nous avons fait faire auprès de la population française, sur le lien périnatal. Ce sondage est riche d'enseignement. Il s'agissait de savoir ce qui favorisait la création et le maintien des liens périnataux entre parents, enfants et professionnels, en fait ce qui permet d'être humain.

     Les personnes interrogées pensent que:

 - ce qui protège 1 'humain pendant la grossesse, c'est la préparation à la naissance (86 % pour la population totale) - (94 % pour les 18/25 ans) (Nos concepts et nos discours de préparations à la naissance sont-ils adaptés aux 18/25 ans?)

- ce qui protège l' humain pendant l'accouchement, c'est la présence active du père (77 %) et le respect des désirs des parents pour l'accouchement (75 % ). (Est-ce que nous respectons les désirs des parents pendant l'accouchement et arrivent-ils à exprimer leurs désirs ?)

- ce qui protège l'humain pendant les suites de couches, c'est parler à l'enfant à sa naissance (85 %) et retourner précocement à la maison sous la surveillance d'une sage-femme et être aidée (51 %),

- ce qui protège l'humain au niveau du suivi médical, c'est être écouté et entendu par le personnel (85 %) et se sentir chez soi à la maternité (84 %).

Enfin, quand les personnes interrogées sont placées devant leurs responsabilités et qu'on leur demande quelle attitude des parents protège l 'humain et la création des liens à la naissance, la réponse est avoir une réflexion sur le sens profond de l'évènement qu'est la naissance (74 %).

Quant au niveau de la vie sociale, les personnes interrogées rappellent que ce qui favorise l' humain, c'est de respecter le libre choix des parents dans les étapes de la maternité (75 %).

Conclusion

     Je voudrais que nous ayons conscience que pour humaniser, il faut globaliser et qu'être humain, c'est bien!

J.Bessonart - SAGES-FEMMES International

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14/07/2009
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