chez jeannette - sage-femme

LE SAVOIR RESPECTER, J.Abboud,J.Legoff,M.Casu,j.Bessonart


LE  « SAVOIR RESPECTER»

Dr Jean ABBOUD,  gynécologue obstétricien
Joëlle LE GOFF,  sage-femme
Michèle CASU, mère de famille,
membre de l'associaiton Femmes-Sages-femmes des Deux Sèvres (vendée
Jeannette BESSONART, sage-femme



Joëlle LE GOFF précise qu'il lui semble normal dans un congrès sur l'humanisation, de rappeler le « savoir respecter ». Elle passe tout d'abord la parole au Docteur Jean ABBOUD, accoucheur à la clinique Pasteur de Royan qui partage avec nous quelques réflexions sur la naissance.

Jean Abboud :
« Humaniser la naissance, c'est savoir respecter ses acteurs ». La femme enceinte vient raconter une histoire, l'histoire de son désir, de son attente, de ses projets. Parfois c'est un véritable roman à pélipéties multiples et passionnantes.


Des questions se posent, des craintes se formulent ou se font en sous-entendus. Le médecin va entrer dans le roman dès lors que la mère pénètre dans le cabinet de consultation. Le voici pris dans l'histoire.

Il est important à chaque instant de comprendre ce qui se passe, ce qu'elle va dire avec ses mots à elle, de la suivre, de s'y intéresser, de demander des précisions sans quoi nous risquerions d'oublier que cette histoire est la sienne. Nous laisserions vite y projeter notre propre ressenti, nos propres valeurs en écho avec nos expériences et désirs. Ce ne serait plus notre patiente que nous écouterions mais nous-mêmes.

En écoutant nous offrons à l'autre la chose la plus précieuse que l'on peut donner dans notre société actuelle, le cadeau le plus rare: prendre le temps de l'écouter. Cela donne à la cliente une image satisfaisante d'elle-même, une idée valorisante d'elle. Elle se sentira comprise dès lors que nous aurons reformulé après elle ses demandes. Notons que reformuler son désir, manifester notre intérêt ne veut pas dire approuver car le rôle du thérapeute sera aussi de proposer certaines techniques rendu évidentes par l'examen clinique ou certaines anomalies liées à sa problématique personnelle.

La frontière entre les attentes des mères et ce qu'on peut leur proposer est parfois difficile à apprécier. C'est d'autant plus difficile que c'est bien souvent l'approbation de ce qu'elle veut à tout prix qu'elle vient chercher. Plus profond encore que son histoire, plus loin que les argumentations, plus que ce qu'elle dit, il y a aussi ce qui se passe dans son imaginaire qui bien souvent n'est jamais avoué.

Il paraît évident dans un premier temps d'éloigner toute ambiguité sur le désir d'enfant. C'est peut être là. la notion de confiance la plus significative. Car la suite de la grossesse sera fondamentale en fonction d'un réel désir ou d'une grossesse forcée. Laisser à la mère la possibilité de dire sa véritable attente sans la juger serala garantie d'une suite acceptable. Nous aurons alors à apaiser l'angoisse d'une multitude de questions que la future mère va sans cesse poserjusqu' à ce qu'elle entende enfin la réponse qui mettra fin à ses craintes.

Tâche peu facile d'autant plus que, bien souvent, il y a contradiction entre le désir d'accoucher naturellement et la peur de la souffrance.

Ainsi nous entendons à la fois une demande d' accouchement physiologique avec toutefois, la possibilité d'avoir recours à une technique anesthésiante (péridurale, anesthésie générale ... ). Autant de patientes, autant de questions qui se posent sur les modalités techniques de l'accouchement ... : du refus de certaines techniques en vogue, trop agressives (perfusion, monitorage) à la crainte de devoir subir les douleurs avec demandes inverses de pouvoir accéder à toutes les techniques modernes éliminant la douleur jusqu'au désir d'accoucher dans des conditions moins conventionnelles (chez soi, en piscine, accroupie ... ), en passant par des questions sur la morphologie du bassin permettant ou non d'accoucher par voie basse, sur la césarienne et ses risques médicaux et esthétiques, sur l'épisiotomie et ses suites. sur le forceps ou la ventouse et les séquelles périnéales.

Des questions se posent aussi sur les risques de malformations et si tel était le cas, quelle serait l'attitude que le médecin conseillerait? Et quelles seraient les chances d'un accouchement normal et la viabilité du bébé? Questions aussi sur la possibilité d'être accompagnée et soutenue par son conjoint, de voir sa famille, de faire un film; sur la probabilité d'avoir suffisamment de lait pour le bébé et les conseils diététiques et d' hygiène autour de l'allaitement.

Enfin des interrogations nouvelles sont posées: la séropositivité au VIH et le risque de contamination de l'enfant à venir et beaucoup d'autres questions dont il faut personnaliser les réponses.

Il faut rappeler que 90 % des accouchements peuvent se passer de façon physiologique. Néanmoins les médias influencent le choix de beaucoup de femmes. Aussi l'analgésie péridurale est de plus en plus demandée. Notre responsabilité serait de pouvoir librement la proposer sans souci d'économie de santé. Nous pouvons que nous féliciter du projet de Madame WEIL rendant définitivement l'accès à cet acte remboursé à 100 °;lo par la sécurité sociale à toutes les assurées sociales.

Par la surveillance de son écoute, le thérapeute s'appliquera à montrer qu'il peut tout entendre. Néanmoins, au cours de la consultation, il devra montrer qu'il possède un savoir faire, un savoir technique, et qu'aussi bienveillant soit-il, il se posera en représentant de la loi médicale et de la sécurité de la vie. Il prendra alors quel que soit son sexe, un rôle de père.

Écouter et comprendre est donc une manière d'introduire une notion de confiance dans la relation qui se perpétuera pendant plusieurs mois jusqu'au terme de la grossesse. Savoir respecter sa patiente est se respecter soi-même.

• Joëlle LE GOFF rappelle qu'il faut aussi « tolérer ». «Pour moi, le savoir respecter c' est la tolérance. Car il me semble que nous, sages-femmes et autres professionnels de la naissance, nous nous permettons bien souvent de porter des jugements de valeur sur le comportement des femmes qui se confient à nous ».



On entend très souvent: « cette femme, c'est une écolo ! Elle veut accoucher accroupie ». Une femme qui veut une péridurale très vite, on entend: « elle est douillette, elle ne se prend pas en charge ». Ce genre de choses me gène beaucoup. Je crois que les femmes ont le droit d'être ce qu'elles sont avec leurs désirs. Nous n'avons pas tellement le droit d'imposer nos propres modèles. J'ai moi-même fait longtemps de l'accouchement à domicile, j'ai essayé de comprendre pourquoi les femmes voulaient accoucher chez elles, et de répondre à leur demande. Actuellement,je suis surveillante dans une clinique et j'essaye aussi de comprendre les demandes des clientes sans imposer de « méthodes gadgets ».

La question est de ne pas juger selon notre fonctionnement personnel. Les femmes ne sont pas des enfants et sont capables de dire ce qu'elles veulent à partir du moment où elles sont informées et préparées.

Il me semble que dans l'humanisation, c'est important de dire: « écoutez., comprenez, tolérez ».

Michèle CASU pose cette question aux professionnels « De quel respect parlez-vous? »

Les responsables de l'organisation du congrès « Humanisation et naissance» ont invité une femme, une mère que je suis pour parler du : « Savoir Respecter ». Je vais vous interpeller, vous sages-femmes, vous médecins, afin deconnaître vos intentions. 

De quel respect parlez-vous?

Pardonnez-moi mes exigences, mais parler de respect de la femme lorsqu'elle est dans votre service, dans vos mains en quelque sorte et dépendante, cela me semble la moindre des choses à attendre de vous. Que dans ce cadre précis. vous soyiez à l'écoute de nos besoins, que vous respectiez au mieux notre intimité, cela me semble aller de soi.

Cela n'est pas le cas partout. Il y a encore beaucoup de choses à faire évoluer. Cela, nous ne le découvrons pas. Mais, je le pense fortement, ce respect-là est le minimum à attendre de vous tous.

Qui respecte-t-on le mieux?

Celle qui, physiquement et moralement, s'en remet totalement à vous ou celle qui questionne, interpelle et se prend en main au risque de vous déranger.

Le respect entre deux personnes commence avec le dialogue. «Je suis responsable de ce que j'apprivoise» nous dit Saint Exupéry.

Pour moi, le respect, c'est le dialogue et le sens de la responsabilité de l'individu qui est en face de vous.

La NAISSANCE, c'est un aboutissement et un nouveau départ dans la vie d'une femme et dans l'histoire du couple.

Vous, sages-femmes, vous êtes sur ce parcours. Vous êtez attendues consciemment ou inconsciemment par toutes les femmes qui vous veulent à côté d'elles pour mener cette aventure à bien.


Le RESPECT, à ce moment là, c'est savoir nous prendre là où nous sommes et nous faire grandir en même temps que notre petit.

Le respect, c'est reconnaître nos peurs et nos doutes et non pas les évacuer sans les considérer. Sécuriser, c'est accompagner en nous aidant à croire profondément en nOLlsmêmes. Et pour reprendre l'expression de Françoise FALOURD, de l'association Femmes, Sages-Femmes: « c'est tenter de donner chacune le cadeou royol de croire en sa propre compétence en matière de maternité. »

Nous refusons d'être coulées dans un moule ou d'être le modèle d'une technique quelconque .

Ce n'est ni une méthode, ni une technique qui accouche, c'est une femme.

Je ne peux malheureusement que regretter votre trop grande absence, vous, sages- femmes, dans cet accompagnement du début de la grossesse à l'accouchement jusqu'aux soins post-nataux.

Vous êtes dc plus en plus désappropriées de votre rôle d'accompagnement. Nous, mères, ne pouvons que le regretter et vous alerter. 

Savez-vous que toutes les femmes questionnées avant de venir ici, considèrent qu'une femme qui a accouché avec la sage-femme ou le médecin qui l'a suivie pendant sa grossesse a eu de la chance. Incroyable non?

Alors, je me questionne sur le respect dont vous parlez, vous, professionnels alors que le premier des principes du droit et dc la loi: le libre choix n'est pas respecté.

Revenons au point de départ.

Que signifie pour une femme« être respectée» alors que son premier souhait, accoucher avec celui ou celle qui l'a suivie n'est pas respecté?

Et l'on va dire: elle a souhaité une péri comme vous dites.
On a respecté son choix.
Cela s'appelle respecter le choix de la technique.

Et l'on confond le respect du choix de la technique et respect de la personne.

Car, le premier des choix - accoucher avec la personne que l'on souhaite - lui, ce choix fondamental et préalable à tout autre, n'est pas respecté.

Moi, femme et mère, comme les autres parents de notre association et fédération de parents,je suis très inquiète en ce qui concerne la France.

De plus en plus, la pratique est à « faire accoucher» à l'heure et au moment opportun; pour qui?

Nous sommes désappropriées de la naissance, de notre rythme et de nos moyens.

Nous constatons un discours ambiant qui développe les sentiments de crainte et de dépendance des femmes envers les techniciens. La place de la technique n'est plus là comme moyen, elle trône et évacue la prise en charge et la responsabilité des femmes face à leur propre corps.

Le seul choix qui nous reste est celui de la technique. Je répète haut et fort que ce ne sont ni des techniques, ni des méthodes qui accouchent, ce sont des femmes.

Voilà sans doute pourquoi il faut « HUMANISER LA NAISSANCE ». Est-elle devenue si peu humaine?

Jeannette BESSONART, en conclusion reprend simplement le mot d'une mère qui lui disait un jour « les sages-femmes sont le confort des mères ».

« A cette observation, j' ai envie d'ajouter que les mères sont le réconfort des sages-femmes dans le savoir respecter. Mais en tant que sage-femme, si je devais parler du savoir respecter. je demanderais aux parents d'imposer politiquement auprès des législateurs, leurs désirs et leurs besoins d'avoir des sages-femmes ». Plus ou moins 750 000 femmes qui accouchent en France, qui tout d'un coup se mettraient à aller dans les consultations prénatales de sages-femmes et à envoyer des télégrammes au Ministère de la santé et à leurs députés pour exiger que leurs sages-femmes existent, cela nous ferait exister. C'est ce qui se passe avec les sages-femmes du Québec. Les femmes, les parents québécois mènent des actions radicales pour faire exister leurs sages-femmes.

Des parents français qui interviendraient énergiquement et massivement valoriseraient nos efforts à nous qui « ramons» depuis 20 ans, pour certaines d'entre nous, afin de voir la relation unique entre femmes et sages-femmes se reconstituer.

C'est un S.O.S. que nous lançons aux parents français dans leur responsabilité globale de faire avancer l'Histoire de la naissance.

Il faut qu'ils adoptent en plus de l'attitude émotionnelle devant leur histoire, des comportements de réflexion politique. Ils peuvent alors devenir un groupe de pression tels les parents en Grande-Bretagne.


Cet article, écrit il y a 15 ans, est-il encore à jour en 2009 ? je crains que la situatin soit pire qu'avant ! j'attends des témoignanges.









17/07/2009
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