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sage-femme AU LIBAN, Rita Zoghbi


La sage-femme libanaise
Rita Zoghbi, sage-femme

     Pays charnière entre l'Orient et l'Occident, le Liban, petit pays du Moyen-Orient, ne ressemble à aucun de ses pays voisins Arabes ou Méditerranéens.
     En effet, par sa pluralité et par complexité démographique, il reste unique en son genre.
     De petite surface (10452 km2), il ferait à peu près le cinquantième (1/50) de la France, il englobe sur ses terres un trésor de cultures multiples, de mentalités différentes.
     L'influence de la culture arabe est directe. Celle de l'Occident aussi, favorisée par les occupations successives (Croisades, mandat Français ... ).
     Deux écoles, la Française et l'Américaine, sont présentes dans les plus grands hôpitaux et universités.
     La théorie médicale Arabe proprement dite ayant été dépassée par la technicité occidentale moderne, tout ce qui persiste de véritablement Arabe demeure l'influence sur la mentalité et le comportement bien plus que sur les études.



1 - LES SAGES-FEMMES

     Les sages-femmes étaient matrones, au début du siècle et reconnues par la société libanaise.
     Actuellement elles reçoivent une formation à l'université.
     Elles sont professionnelles bien que leur profession soit méconnue et qu'elles demeurent reléguées au second plan.
     Une sage-femme libanaise formée à son métier est toujours soumise à son entourage machiste qui la relègue au second plan.
     Elle n'a pas eu la chance d'accompagner la femme enceinte en période anté-natale, son rôle se limite presque toujours à une présence auprès du médecin accoucheur, afin de réanimer le nouveau-né.
     Malgré les tentatives d'élargir son champ d'action, elle se heurte à de nombreuses difficultés.
2 - INTERVIEW DES SAGES-FEMMES SUR LEUR VÉCU PROFESSIONNEL

Mira: "Je suis sage-femme diplômée depuis 1989. Je travaille en salle d'accouche-
ment, dans un hôpital de Beyrouth. Je surveille la femme en travail. A l'accouche-
ment je me mets de côté pour recevoir le nouveau-né. Je ne suis pas satisfaite de ce rôle. C'est le cas de la plupart de mes collègues, mais je m'habitue. »

Randa : " Je suis diplômée il y a 5 ans. J'ai pratiqué dans les pays arabes (Emirats Arabes Unies). J'étais responsable de la salle d'accouchement. J'effectuais moi-même le suivi de la femme et l'accouchement en entier. Je déléguais la

* SageJemme libanaise. monilrice à l'école de SageJenune de l'Université Liba!wise, spécialisée ell Sophrologie Obstétricale et maternelle globale. réanimation du bébé à mon assistante. A mon retour au Liban, je ne peux supporter l'idée d'observer sans agir. Je cherche une petite maternité où je pourrais exercer véritablement mon métier. »

Nada: " Je suis sage-femme et j'ai deux enfants. J'ai à mon actif une année de travail. Je suis monitrice enseignante à l'école de sage-femme. J'apprend aux élèves en théorie, une profession médicale reconnue mondialement et je les envoie aux stages où elles se heurtent, à ce qui les attends dans la pratique. »

Mona: " J'ai cherché à être efficace en tant que sagefemme professionnelle en suivant des cours et des stages de préparation à la maternité à Paris. Je sais bien son importance et sa nécessité au Liban. Très peu de femmes enceintes l'ont réalisé et quand elles s'inscrivent au cours, elles ne sont pas persévérantes. C'est dommage. »

Les cas de Mira, Randa, Nada et Mona se multiplient au Liban. Un fait est certain: la sage-femme reçoit une formation académique décente. Dans la pratique, elle n'arrive pas à appliquer ses connaissances. Son rôle reste secondaire.

3 - ÉVOLUTION DE LA PROFESSION SAGE-FEMME

     Le rôle de la sage-femme a été tributaire de l'évolution des mœurs et de l'émancipation de la femme Libanaise.
     Nous sommes à une époque où les hôpitaux sont très peu nombreux. (Français et Américains s'installent depuis peu au Liban). Les services de gynécologie et d'obstétrique sont encore rares et parfois absents dans certaines régions rurales.
     La" sage-femme» qui est encore une" matrone» à cette époque a un rôle prépondérant.
     Forte, un peu de ses connaissances pratiques puisées dans la tradition, un peu dans les superstitions et surtout de l'expérience quotidienne où tout est voué à la grâce de Dieu, elle règne sur le domaine de l'accouchement. Un peu plus tard, elle devient la" sage-femme» proprement dite, et grâce à une formation scientifique poussée, elle acquiert plus de connaissances, dirige des maternités (indépendantes) et des cliniques où elle effectue elie-même les accouchements avec confiance et dextérité.
     Depuis les années 60, le niveau de la médecine au Liban a rattrapé le progrès mondial. Une concurrence directe entre médecins de toutes les spécialisations a commencé. Le nombre des hôpitaux a considérablement augmenté; les plus grands détenant de loin le monopole: équipement, services spécialisés, personnel compétent et médecins de haut niveau.
Les grands hôpitaux sont tous privés. Ils ont englouti les petites cliniques, les maternités proprement dites ou se déroulaient dans une ambiance naïve et simple les accouchements de la première moitié du siècle. Les hôpitaux publics, pour leur part, sont jusqu'à présent en voie de développement en comparaison des services proposés par les grands hôpitaux privés. Comme ces institutions sont sous la tutelle de l'état, ils ont directement subi les conséquences de la guerre passant d'une ère de développement à la misère et même à la destruction parfois.
     Les efforts sont grands et multiples pour remettre en place tout ce service de santé essentiel à une saine croissance du pays. Intégrés aux grands édifices privés devenus de véritables" usines », les services de maternité ont perdu leur autonomie.
     La présence de blocs opératoires et de services impeccables de néonatologie rassure le public féminin contemporain. C'est la raison pour laquelle le rôle de la sage-femme s'est petit à petit amoindri et que d'accoucheuse professionnelle elle devient progressivement assistante. Néanmoins, sa compétence n'est pas remise en cause.

4 - VÉCU DE LA GROSSESSE ET DE L'ACCOUCHEMENT

     Le rapport sage-femme/femme enceinte n'est pas lemême partout au Liban. Leur relation durant le déroulement de la grossesse et au moment de l'accouchement peut être influencée par des facteurs géographiques et économiques.

a) Zone citadine
Elle comprend la capitale Beyrouth, sa périphérie et ses environs.
b) Zone rurale
Elle s'étend sur les villages du Sud, du Nord et de la Békaa.

a) Dans la zone citadine:

- Le médecin a en charge la patiente  depuis le début de la grossesse: 8 visites médicales en moyenne, au moins 3 analyses sanguines et urinaires ; échographies obstétricales de plus en plus demandées, au nombre de 3 (128, 208, et 368 semaine d'aménorrhée).
- Les hôpitaux sont nombreux et répandus dans toute la région (moyenne 1 hôpital/15 km).
- La sage-femme est une employée en salle d'accouchement ou en service de suites de couches.
Elle est payée par l'hôpital. Le médecin lui, travaille en privé, il reçoit ses patientes pour les accoucher, et il est payé directement par celles-ci.

b) Dans la zone rurale:

- La sage-femme prend en charge la femme dès le début de la grossesse. Elle la suit dans sa clinique: 8 visites sont exigées, des examens sanguins et urinaires aussi. Une échographie au moins est demandée.
- Les hôpitaux sont rares et assez espacés.
- L'accouchement se déroule à la clinique ou bien à domicile.
- Rares sont les sages-femmes qui travaillent en libéral prenant le risque de la responsabilité directe de leur patiente. Ceci faute de médecin à proximité ou d'hôpitaux décemment équipés.
- Ici également, le paiement s'effectue directement entre la sage-femme et sa patiente mais elle n'est pas aussi bien rémunérée que le médecin.
A distinguer, deux populations: l'une riche, l'autre pauvre. La population riche rejoint les caractéristiques de la zone citadine, et celui de la population pauvre l'état de la zone rurale.
Concernant la population pauvre: cette catégorie d'habitants peut se retrouver dans la zone citadine. Elle dispose de peu de moyens matériels. Elle ne peut suivre les données de la zone citadine.
     Une femme enceinte appartenant à la catégorie" pauvre » est suivie en période anté-natale, dans un dispensaire, par une sage-femme. Le médecin du dispensaire l'accouchera à l'hôpital, aux frais du ministère de la santé. Où alors, elle est suivie dans l'une des très rares maternités où elle sera surveillée et accouchée par une sage-femme à des frais très réduits.
     Ces dispensaires et ses maternités sont généralement gérés par des associations de bienfaisance. Ils assurent un salaire fixe à la sage-femme. Celle-ci est responsable de ses décisions et de ses actes, tout en restant sous la tutelle d'un médecin.

5 - RÔLE DE LA SAGE-FEMME DANS LA NAISSANCE AU LIBAN

     La majorité (75 % des sages-femmes) diplômées, travaillent dans un hôpital. Leur rôle se limite à la salle d'accouchement, exécutant les ordres de l'obstétricien.
     La minorité (22 %) a un rôle de responsable direct auprès de la population pauvre, surtout dans la zone rurale.
     Le reste (3 %) se partage entre les sages-femmes chargées de cours dans les écoles spécialisées et celles qui ne pratiquent plus leur profession.
     Il est à noter, qu'un certain nombre de sages-femmes a émigré vers les pays arabes où elles gagnent de l'expérience et sont mieux rémunérées.

Quel est le rôle de la sage-femme au cours de l'accouchement ?
1) L'accueil de la femme enceinte en travail: examen générai, tension artérielle, palpation, bruit du cœur, toucher vaginal (T.V.).
L'évaluation de son état. En faire part au médecin traitant.

2) L'admission: formalités, préparation: lavement, rasage (par une aide), installation d'une perfusion avec ou sans Pitocyne selon le cas.

3) La surveillance du travail: contractions utérines, T.V., administration de calmants conformes aux prescriptions de chaque médecin.

4) L'assistance de l'accoucheur au moment de la naissance (dans la majorité des cas, une épisiotomie est pratiquée).

5) L'accueil du nouveau-né, sa réanimation et son aspiration, le soin du cordon, la recherche de malformations ...

6) La rencontre maman-bébé: elle le reçoit enveloppé de tissus chauds et stériles. L'accompagnement du bébé à la pouponnière où il sera pesé et lavé. Le pédiatre viendra l'examiner dès les premières 24 heures de vie. Il y restera avec les autres bébés. Pour l'allaitement, il sera amené à la maman ou c'est elle qui l'allaitera dans une salle prévue à cet effet.

7) L'accoucheur effectue la délivrance, il répare l'épisiotomie, et laisse à la sage-femme la surveillance du post partum direct avant que l'accouchée puisse rejoindre sa chambre.

Généralement, trois sages-femmes se partagent les services: la salle d'accouchement, la pouponnière et les suites de couches.

6 - LA FORMATION DE LA SAGE-FEMME LIBANAISE

1) L'infirmière diplômée:

Elle suit une formation de 14 mois d'études de sagefemme et reçoit un diplôme. Elle sera reconnue comme sage-femme diplômée. Cette formation est donnée dans une école de sage-femme privée (de l'université SaintJoseph - USJ), qui suit un programme inspiré de l'école française établi par ses propres responsables.

2) La sage-femme diplômée:

Elle suit une formation de sage-femme qui s'étend sur quatre années d'études, rigoureusement conforme à celle de l'école française : stages et cours, avec une légère adaptation au programme du baccalauréat libanais. Cette formation est donnée dans une école de sage-femme publique de l'Université Libanaise rattachée à l'État. Elle a quatre branches: 2 à Beyrouth, 1 au Sud, 1 dans la Bekaa.

Il faut préciser, que la profession de sage-femme proprement dite n'est pas encore organisée. Il n'existe pas de syndicat, mais une association de sages-femmes diplômées de l'USJ qui ne représente pas la totalité des sages-femmes.

7 - L'OUVERTURE DE LA MÉDECINE AUX CULTURES

Le Liban possède une situation géographique particulière. De multiples communautés le composent principalement Musulmanes et Chrétiennes. La culture Libanaise s'enrichit de courants de pensée divers notamment Orientaux, Français, Anglo-Saxons et Américains. La médecine subit directement cette influence.

a) La mentalité orientale

La société Libanaise est machiste. Le rôle de l'homme dépasse largement celui de la femme dans grand nombre de professions malgré l'émancipation grandissante de cette dernière.

Le médecin accoucheur, à 90 % de sexe masculin, obtient la confiance totale de la femme enceinte. C'est elle qui réclame sa présence durant l'accouchement. Elle oublie ainsi la compétence et l'efficacité de la sage-femme dans ces moments et concède à l'homme le « pouvoir absolu ".

La sage-femme devient " l'assistante" du médecin, " subordonnée " c'est son titre et là s'arrêtent ses prérogatives.

Dans une certaine classe pudique de la société Musulmane, la femme enceinte préférerait théoriquement bien sur une présence féminine au moment de l'accouchement.

Mais par manque de sages-femmes averties et éduquées, le rôle est" raflé" par les anciennes « matrones" qui puisent leur formation dans les années d'expérience et le savoir empirique.

b) Influence Occidentale

Malgré 17 ans de guerre ou grâce à ceux-ci, la médecine au Liban a pu évoluer.

L'obstétrique en particulier et toutes les autres spécialisations en général connaissent un développement considérable et à la pointe du progrès occidental. Une grande partie du corps médical libanais (Jeunes résidents) termine sa spécialisation à l'étranger en particulier en France et aux États-Unis.

Par conséquent, la médecine obstétricale est perpétuellement mise à jour. Le niveau permet une surveillance très poussée de la grossesse et même des interventions intrautérines menées avec grand succès.

8 - LES INNOVATIONS

Dans le domaine de la naissance, de nouveaux facteurs apparaissent:

1) La tendance va vers l'accouchement naturel en utilisant peu ou pas de calmants.

2) Le bébé est posé sur le sein de sa mère en salle d'accouchement.

3) Certaines maternités commencent à garder le nouveau-né dans la chambre de sa mère pour encourager l'allaitement naturel et la relation mère-enfant.

4) Les cours de préparation à la maternité sont petit à petit introduits. Bon nombre d'entre elles manquent de préparation à la grossesse, à l'accouchement et à la maternité.

5) On repense à la sage-femme libérale.

Conclusion

Une sage-femme formée est un être responsable, capable d'initiative mais la réalité n'est pas conforme à cette théorie. Malgré l'évolution en cours de la profession, la sage-femme libanaise continue à se battre auprès de la population pour s'imposer.












18/07/2009
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